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TROISIÈME ENNÉADE.


on remonte plus haut, on voit qu’elle a elle-même l’opinion pour origine, qu’elle implique quelque appréhension dans la partie de l’âme qui éprouve la crainte, à la suite de laquelle se produisent le trouble et la stupeur qui accompagnent l’attente du mal. Or, c’est à l’âme qu’appartient l’imagination, soit l’Imagination première que nous nommons Opinion, soit l’Imagination [seconde] qui procède de la première ; celle-ci n’est plus proprement l’opinion, c’est une puissance inférieure, une opinion obscure, une imagination confuse (ἀνεπίϰριτος φαντασία), semblable à l’action qui appartient à la Nature et par laquelle cette puissance produit chaque chose, comme on le dit, aveuglément (ἀφαντάστως)[1]. Quant à l’agitation sensible qui en est la suite, elle a lieu dans le corps ; c’est à lui que se rapportent le tremblement, la palpitation, la pâleur, l’impuissance de parler. On ne peut en effet attribuer de pareilles modifications à une partie de l’âme ; sinon, cette partie serait corporelle. Il y a plus ; si cette partie de l’âme subissait de pareilles passions[2], le corps lui-même n’éprouverait plus les modifications dont on vient de parler : car la partie de l’âme qui fait éprouver au corps ces modifications ne remplirait plus alors son office, parce qu’elle serait dominée par la passion et qu’elle ne s’appartiendrait plus.

La partie passive de l’âme n’est donc pas corporelle : c’est une forme, mais une forme engagée dans la matière, comme l’appétit concupiscible, la puissance végétative, nutritive et génératrice, puissance qui est la racine et le principe de l’appétit concupiscible et de la partie passive de l’âme. Or une forme ne peut absolument pas éprouver d’agitation ni de passion, mais elle doit rester ce qu’elle est. C’est à la matière [du corps] qu’il appartient d’éprouver une

  1. Voy. ci-après, liv. VIII, § 1-3, et Enn. IV, liv. IV, § 13, 14.
  2. Au lieu de εἴπερ ἦν παθόντα ταῦτα, nous lisons avec M. Kirchhoff : αὐτό γε εἴπερ ἦν παθὸν ταῦτα, conformément à la traduction de Ficin.