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TROISIÈME ENNÉADE.


être présente sans lui communiquer quelque chose d’elle-même. [Voici notre réponse.]

IX. Il faut remarquer que les expressions : telle chose est présente à telle autre, et telle chose est dans telle autre, ont plusieurs sens. Tantôt une chose en rend une autre meilleure ou pire par sa présence, en lui faisant subir un changement : c’est ce qu’on voit dans les corps, surtout dans ceux des êtres vivants. Tantôt une chose en rend une autre meilleure ou pire sans la faire pâtir : c’est ce qui a lieu pour l’âme, comme nous l’avons déjà dit [§ 2]. Tantôt enfin, c’est comme lorsqu’on imprime une figure à un morceau de cire : la présence de la figure n’ajoute rien à l’essence de la cire, et sa destruction ne lui fait rien perdre[1]. De même, la lumière ne change pas la figure de l’objet

  1. L’exemple dont se sert ici Plotin a été éclairci par S. Augustin dans un morceau dont nous ayons déjà cité le commencement ci-dessus, p. 125, note 1 : « Hæ omnes mutationes [animæ], si non necessario argumento sunt mori animam, nihil quidem metuendæ sunt per se ipsæ separatim ; sed ne rationi nostræ adversentur, qua dictum est, mutato subjecto, omne quod in subjecto est necessario mutari, videndum est. Sed non adversantur. Nam illud secundum hanc mutationem subjecti dicitur, per quam omnino mutare cogitur nomen. Nam, si ex albo cera nigrum colorem ducat alicunde, non minus cera est, et si ex quadrata rotundam formam sumat, et ex molli durescat, frigescatque ex calida ; at ista in subjecto sunt, et cera subjectum. Manet autem cera non magis minusve cera, quum illa mutentur. Potest igitur aliqua mutatio fieri eorum quæ in subjecto sunt, quum ipsum tamen juxta id quod hoc est ac dicitur non mutetur. » (De immortalitate animæ, 5.) Ce passage de S. Augustin a été développé lui-même par Descartes dans ses Méditations (II) : « Prenons par exemple ce morceau de cire ; il vient tout fraîchement d’être tiré de la ruche… Mais voici que pendant que je parle on l’approche du feu ; ce qui restait de sa saveur s’exhale, l’odeur s’évapore, la couleur se change, sa figure se perd, sa grandeur augmente, il devient liquide, il s’échauffe, à peine peut-on le manier et quoique l’on frappe dessus il ne rendra plus aucun son. La même cire demeure-t-elle encore après ce changement ? Il faut avouer