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TROISIÈME ENNÉADE.


Nous avons d’abord à examiner en quoi font consister l’éternité ceux qui la regardent comme différente du temps : car, en connaissant le modèle, nous aurons une conception plus nette de son image que l’on appelle le temps[1]. Si l’on se représente le temps avant de contempler l’éternité, on peut par la réminiscence s’élever d’ici-bas à la contemplation du modèle auquel le temps ressemble, puisqu’il en est l’image.

I. Comment définirons-nous l’Éternité ? Dirons-nous qu’elle est l’Essence intelligible même, comme on dirait que le temps est le ciel et l’univers, ainsi que l’ont fait, à ce que l’on rapporte, quelques philosophes[2] ? En effet, comme nous concevons et nous jugeons que l’éternité est une chose très-vénérable, comme nous admettons également que l’Essence intelligible est une chose très-vénérable, sans qu’il soit facile de déterminer laquelle des deux doit occuper le

  1. Cette nature éternelle de l’animal intelligible, il n’était pas possible de la donner complètement à ce qui a commencé. Mais Dieu invente une image mobile de l’éternité, et en même temps qu’il met l’ordre dans le ciel, il forme, sur le modèle de l’éternité immuable dans l’unité, l’image de l’éternité marchant suivant le nombre, et c’est là ce que nous avons nommé le temps. » (Platon, Timée, p. 37 ; trad. de M. H. Martin, p. 103.) Saint Augustin a exprimé la même pensée dans les termes suivants : « Quæ ergo superiora sunt, nisi illa in quibus summa, inconcussa, incommutabilis, æterna, manet aequalitas ? Ubi nullum est tempus, quia nulla mutabilitas est ; et unde tempora fabricantur et ordinantur et modificantur œternitatem imitantia, dum cœli conversio ad idem redit, et cœlestia corpora ad idem revocat, diebusque et mensibus et annis et lustris, ceterisque siderum orbibus, legibus æqualitatis et unitatis et ordinationis obtemperat. » (De Musica, VI, 11.)
  2. On attribue cette opinion aux Pythagoriciens : « Quelques-uns disent que le temps est le mouvement de l’univers, d’autres qu’il » est la sphère même de l’univers : telle était, à ce qu’on rapporte, l’opinion des Pythagoriciens ; ils avaient sans doute mal compris Archytas qui disait : le temps est l’intervalle de l’univers, διάστημα τῆς τοῦ παντὸς φύσεως. » (Simplicius, Commentaire sur la Physique d’Aristote, p. 165.) Voy. aussi Stobée, Eclogœ physicœ, p. 248-250, éd. Heeren.