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LIVRE SEPTIÈME.


premier rang, comme d’un autre côté le principe qui leur est supérieur [l’Un] ne saurait être désigné par une pareille qualification, il semble qu’on ait le droit d’identifier l’Essence intelligible et l’éternité, d’autant plus que le monde intelligible et l’éternité comprennent les mêmes choses. Cependant, quand nous plaçons un de ces deux principes dans l’autre, nous mettons l’Essence intelligible dans l’éternité. De même, quand nous disons qu’un intelligible est éternel, comme le fait Platon dans ce passage : la nature du modèle est éternelle[1], nous affirmons alors que l’éternité est autre chose que l’Essence intelligible, mais qu’elle s’y rapporte, qu’elle en est un attribut, ou qu’elle lui est présente. Si l’éternité et l’Essence intelligible sont toutes deux vénérables, il n’en résulte pas qu’elles soient identiques ; peut-être seulement l’une tient-elle de l’autre son caractère de vénérable. Quant à cet argument que l’une et l’autre comprennent les mêmes choses, il faut remarquer que l’Essence intelligible contient comme parties les choses qu’elle renferme, tandis que l’éternité les contient comme tout, sans distinction de parties ; elle les contient, dis-je, sous ce rapport qu’on les nomme éternelles à cause d’elle.

Faut-il faire consister l’éternité dans le repos[2] de l’Essence intelligible, comme on fait ici-bas consister le temps dans le mouvement ? Dans ce cas, on peut demander si l’éternité est la même chose que le repos en général, ou seulement que le repos propre à l’Essence intelligible. En effet, si l’on identifie l’éternité avec le repos en général, nous ferons remarquer d’abord qu’on ne saurait dire que le repos est éternel, pas plus que nous ne disons que l’éternité est éternelle, parce qu’on ne nomme éternel que ce qui participe seulement à l’éternité ; nous demanderons ensuite comment, dans cette hypothèse, le mouvement pourra être

  1. Voy. ci-dessus, p. 172, note 1.
  2. Le Repos et le Mouvement sont pour Plotin des Genres de l’être. Voy. la page suivante, § 2.