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LIVRE SEPTIÈME.


lui ni avant ni après[1]. S’il n’y a en lui ni avant ni après, si la chose la plus vraie qu’on puisse affirmer de lui est qu’il est, s’il est de telle sorte qu’il soit l’Essence et la Vie, ici nous apparaît encore l’éternité. Quand nous disons que l’Être est toujours, qu’il n’y a pas un temps où il soit et un autre où il ne soit pas, c’est seulement pour nous exprimer avec plus de clarté que nous parlons ainsi : en disant toujours, nous ne prenons pas ce mot dans son sens absolu ; mais, si nous l’employons pour montrer que l’Être est incorruptible, il peut égarer l’esprit en le faisant sortir de l’unité [propre à l’éternité] pour lui faire parcourir le multiple [qui est étranger à l’éternité][2]. Toujours indique encore que l’Être n’est jamais défectueux. Peut-être vau-

  1. « Nec tu tempore tempora præcedis, alioquin non omnia tempora præcederes. Sed prœcedis omnia prœterita, celsitudine semper præsentis æternitatis ; et superas omnia futura, quia illa futura sunt, et, quum venerint, prœterita erunt. Tu autem idem ipse es, et anni tui non deficiunt. Anni tui nec eunt nec veniunt ; isti autem nostri et eunt et veniunt, ut omnes veniant. Anni tui omnes simul stant, quoniam stant ; nec euntes a venientibus excluduntur, quia non transeunt ; isti autem nostri omnes erunt, quum non erunt, etc. » (Confessiones, XI, 13.) Fénelon dit d’après saint Augustin : « Dirai-je [ô mon Dieu] que vous étiez avant moi ? Non : car voilà deux termes que je ne puis souffrir. Il ne faut pas dire : Vous étiez ; car vous étiez marque un temps passé et une succession… Ce que j’ai dit du passé, je le dis de même de l’avenir. On ne peut point dire que vous serez après ce qui passe : car vous ne passez point ; ainsi vous ne serez pas, mais vous êtes, et je me trompe toutes les fois que je sors du présent en parlant de vous… Ce qui passe a été et sera, et passe du prétérit au futur par un présent imperceptible qu’on ne peut jamais assigner. Mais ce qui ne passe point existe absolument, et n’a qu’un présent infini. Il est, et c’est tout ce qu’il est permis d’en dire : il est sans temps dans tous les temps de la créature. Quiconque sort de cette simplicité tombe de l’éternité dans le temps. » (De l’Existence de Dieu, II, ch. 5, § 3.)
  2. Taylor n’a pas rendu ce passage, le déclarant inintelligible.