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TROISIÈME ENNÉADE.


étrangère ? Il faut donc que nous participions nous-mêmes à l’éternité[1]. Mais comment le pouvons-nous, puisque nous sommes dans le temps ? Pour comprendre comment on peut être à la fois dans l’éternité et dans le temps, il faut déterminer la nature de ce dernier. Il faut donc que nous descendions de l’éternité pour étudier le temps. Pour trouver l’éternité, nous avons été obligés de nous élever au monde intelligible ; maintenant, nous sommes obligés d’en descendre pour traiter du temps, non d’en descendre complètement, mais autant que le temps en est descendu lui-même.

Si les anciens sages, ces hommes bienheureux, n’avaient point déjà parlé du temps, nous n’aurions qu’à rattacher à l’idée de l’éternité ce que nous avons à dire de l’idée de temps, et à exposer notre opinion sur ce point, en tâchant de la mettre d’accord avec la notion que nous nous sommes déjà formée de l’éternité. Mais il est maintenant nécessaire d’examiner les opinions les plus raisonnables qui ont été professées au sujet du temps, et de voir si notre propre opinion est conforme à quelqu’une d’entre elles.

Avant tout, nous diviserons en trois classes les opinions professées au sujet du temps : on considère le temps ou comme le mouvement, ou comme le mobile, ou comme quelque chose du mouvement. Soutenir que le Temps est le repos, l’être en repos, ou quelque chose du repos, serait trop con-

  1. Le P. Thomassin commente Plotin en ces termes : « Ubi vides, quum anima æternitatem intelligat, eam participet et contrectet necesse est, ejusque quodammodo consors sit ; at ubi mente sua se contemplandæ complexandæque veræ æternitati penitus dedicat et affigit, tum æternitatis consortium amplius strictiusque adipiscitur. » (Dogmata theologica, t. I, p. 293.) Saint Augustin exprime la même pensée que Plotin avec la même concision : « Æterno creatori adhærentes et nos æternitate afficiamur necesse est. » (De Vera Religione, 10.) Voy. aussi le passage de Bossuet cité ci-dessus, p. 180, note 1.