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SOMMAIRES.


donné dans son plan une place convenable à ses dispositions. Ainsi, le bien qui est réalisé ici-bas vient de la Providence, le mal qu’on y rencontre tient aux écarts de la liberté humaine.


LIVRE TROISIÈME.
DE LA PROVIDENCE, II.

(I-II) La Raison de l’univers contient en soi toutes les raisons séminales particulières ; chacune de celles-ci contient à son tour toutes les actions qu’elle doit produire : car toute raison renferme la pluralité dans l’unité. L’harmonie des raisons particulières dans leur développement constitue l’unité du plan de l’univers. Tout ce qui arrive ici-bas découle directement ou indirectement de l’ordre établi par l’Âme universelle.

(III) Les actes de l’homme, quoiqu’il soit libre, sont compris dans le plan de l’univers, parce que la Providence a tenu compte de notre liberté. Notre imperfection morale n’est imputable qu’à nous seuls. Les infériorités relatives sont la conséquence de la pluralité des êtres.

(IV-V) Il y a deux règnes, celui de la Providence et celui du Destin. Il y a aussi deux vies pour l’homme : dans l’une, il exerce la raison et l’intelligence ; dans l’autre, l’imagination et les sens ; dans la première, il est libre ; dans la seconde, il est soumis à la fatalité. Il dépend toujours de lui de mener l’une ou l’autre de ces deux espèces de vie. Il est donc juste qu’il subisse les conséquences de ses actions, qu’il soit récompensé ou puni par la Providence, selon qu’il se conforme à ses lois ou qu’il les viole.

(VI) C’est en vertu de l’enchaînement des faits que les astrologues et les devins peuvent prédire les événements futurs. Toute divination est fondée sur les lois de l’analogie qui règne dans l’univers.

(VII) En résumé, sans inégalités, il n’y aurait pas de Providence : car celle-ci, étant le principe suprême dont tout dépend, ressemble à un arbre immense dont toutes les parties constitueraient autant d’êtres différents et cependant unis entre eux[1].

  1. Cette comparaison a inspiré à Simplicius le passage suivant, dont M. Dacier loue avec raison la beauté, mais dont il croit à tort que l’idée a été empruntée à saint Paul : « Quoique l’âme soit maîtresse de ses mouvements et de sa volonté, et qu’elle ait en elle-même les principes de ses biens et de ses maux, c’est Dieu qui lui a donné ces priviléges en la créant. C’est pourquoi, pendant qu’elle est attachée à sa cause comme à sa racine naturelle, elle est sauvée et elle a toute la perfection qu’elle a reçue de Dieu avec l’existence ; mais, si elle s’en détache, et qu’elle se sépare de sa racine autant qu’il est en son pouvoir, elle se sèche et se flétrit, elle perd sa force et sa beauté, jusqu’à ce qu’elle opère sa conversion, s’unisse de nouveau à sa cause, et recouvre ainsi sa perfection première. » (Commentaire du Manuel d’Épictète : § XXXI, fin.) Voy. encore ci-après les Extraits d’Énée de Gaza, p. 684, note 7.