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TROISIÈME ENNÉADE, LIVRE IV.



LIVRE QUATRIÈME.
DU DÉMON QUI EST PROPRE À CHACUN DE NOUS.

(I-II) Pour préparer la solution de la question qui fait l’objet de ce livre, Plotin débute par quelques considérations sur la différence qui existe entre la manière dont l’Âme universelle exerce ses puissances et celle dont l’âme humaine développe les siennes.

L’Âme universelle engendre la Puissance sensitive et la Nature ou Puissance végétative, par laquelle elle communique la vie aux animaux et aux plantes. La Nature, à son tour, engendre la Matière, qui, étant absolument indéterminée, ne devient parfaite qu’en recevant la forme avec laquelle elle constitue le corps. C’est par la Puissance sensitive et la Nature que l’Âme Universelle prend soin, comme le dit Platon, de tout ce qui est inanimé.

Tandis que l’Âme universelle, par ses puissances inférieures, communique la vie au corps du monde sans incliner vers lui, l’âme humaine, au contraire, s’élève ou s’abaisse selon que, dans ses existences successives, elle exerce principalement sa raison, sa sensibilité ou sa puissance végétative : par là, elle reste dans le rang qui est assigné à l’homme, ou bien elle s’abaisse à la condition soit de la brute, soit du végétal[1].

(III-IV) Notre Démon est la puissance immédiatement supérieure à celle qui agit principalement en nous ; selon que nous vivons soit de la vie sensitive, soit de la vie rationnelle, soit de la vie intellectuelle, nous avons pour démon soit la Raison, soit l’Intelligence, soit le Bien. Nous choisissons donc notre démon, puisqu’il dépend de nous d’exercer principalement telle faculté à laquelle préside tel démon. Il dépend également de l’âme d’incliner vers le corps ou d’élever avec elle-même au monde intelligible sa puissance végétative.

(V) L’âme est toujours libre, parce que le caractère qu’elle a dépend uniquement de son choix et que les choses extérieures ne sauraient le changer. Elle n’est pas non plus contrainte par son démon, parce qu’elle en change en changeant de genre de vie.

(VI) Les âmes qui se sont élevées là-haut résident dans le monde sensible ou en dehors du monde sensible. Dans le premier cas, elles habitent dans l’astre qui est en harmonie avec la puissance qu’elles ont développée. Dans le second cas, elles demeurent dans le monde intelligible et y ramènent avec elle leur puissance végétative ; elles sont alors indépendantes du Destin, à l’influence duquel elles ne sont soumises que lorsqu’elles descendent ici-bas.

  1. Voy. ci-après les Extraits d’Énée de Gaza, p. 677.