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LIVRE HUITIÈME.


Comment, puisque tous les deux ne font qu’un, l’unité qu’ils forment est-elle devenue multiple ? C’est qu’elle ne contemple pas l’Un ou qu’elle ne le contemple pas en tant qu’il est l’Un ; sinon, elle ne serait pas l’Intelligence. Après avoir commencé par être une, elle a cessé de l’être ; elle est, sans le savoir, devenue multiple par l’effet des germes féconds qu’elle portait en elle ; elle s’est développée pour posséder toutes choses, quoiqu’il eût mieux valu pour elle ne pas le souhaiter. En effet, elle est ainsi devenue le second principe, comme un cercle, en se développant, devient une figure et une surface où la circonférence, le centre, les rayons sont choses distinctes, occupent des points différents[1]. Ce dont

  1. On trouve dans saint Denys l’Aréopagite un passage où la même comparaison est parfaitement développée : « Puis donc que l’absolue et infinie bonté produit l’être comme son premier bienfait, il convient de la louer d’abord de cette grâce, qui précède toutes les autres grâces. Ainsi, la participation de l’être, les principes des choses et les choses elles-mêmes, et tout ce qui existe en quelque sorte que ce soit, viennent de la bonté et subsistent en elle d’une façon incompréhensible, sans diversité, sans pluralité. De même, tout nombre préexiste confondu dans l’unité, et l’unité renferme tout nombre dans sa simplicité parfaite ; tout nombre est un en l’unité, et plus il s’éloigne d’elle, plus il se divise et multiplie. Également, tous les rayons du cercle se trouvent unis dans un centre commun ; et ce centre indivisible comprend en lui-même tous les rayons qui sont absolument indistincts, soit les uns des autres, soit du point unique d’où ils partent. Entièrement confondus dans ce milieu, s’ils s’en éloignent quelque peu, des lors ils commencent à se séparer mutuellement ; s’ils s’en éloignent davantage, ils continuent à se séparer dans la même proportion ; en un mot, plus ils sont proches ou distants du point central, plus aussi s’augmente leur proximité ou leur distance respective. Ainsi encore, en ce qu’on nomme la nature universelle, les raisons diverses de chaque nature particulière sont rassemblées dans une parfaite et harmonieuse unité. Ainsi, dans la simplicité de l’âme sont réunies les facultés multiples qui pourvoient aux besoins de chaque partie du corps. Il est donc permis de s’élever par le moyen de ces grossières et imparfaites images jusqu’au