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TROISIÈME ENNÉADE.


Il n’y a là rien d’étonnant. Pourquoi s’étonner en effet que le multiple sorte de Celui qui n’est pas multiple, que le multiple ne puisse exister sans qu’avant lui existe Celui qui n’est pas multiple ? Le principe ne se partage pas dans l’univers ; bien plus, s’il se partageait, l’univers serait anéanti : car il ne peut exister qu’autant que son principe demeure en lui-même, sans se confondre avec le reste[1].

    munique. » L’arbre dont parle ici Plotin figure le monde. C’est une image qui semble empruntée à Philon. Cet auteur en effet compare le monde à un grand arbre, dont les rameaux et les branches sont les quatre éléments et les diverses espèces d’êtres vivants, et dans lequel circule, comme une espèce de sève, la loi éternelle de Dieu : « Il convient que l’homme qui se propose de parler des diverses espèces de plantes et des différents genres de culture commence par considérer les plantes les plus parfaites de l’univers, ainsi que le grand agriculteur qui les plante et qui veille sur elles. Cet agriculteur, le plus grand et le plus parfait de tous, est le chef de l’univers. L’arbre qu’il a planté, arbre qui contient en lui-même, non quelques arbres, mais une infinité de rameaux nés d’une seule racine comme des sarments de vigne, cet arbre est le monde. En effet, quand l’auteur du monde, ayant ordonné et divisé la substance naturellement confuse et désordonnée, commença à lui donner une forme, il planta, comme des arbres, la terre et l’eau au milieu, plaça au-dessus l’air et le feu, les éloignant ainsi du centre du monde ; enfin, il entoura le tout par la région éthérée destinée à limiter et à protéger les parties intérieures : c’est de la sans doute que le ciel tire son nom… La loi éternelle du Dieu éternel est le plus solide et le plus durable soutien du monde. Étant en quelque sorte tendue des extrémités au milieu, elle se prolonge avec une force irrésistible d’un bout à l’autre de la nature, unissant et reliant entre elles toutes les parties : car le Père qui l’a engendrée en a fait le lien invincible de l’univers. » (De Plantatione Noe, init.)

  1. Le principe métaphysique que Plotin énonce ici se trouve aussi dans les fragments de Numénius (t. I, p. CII) : « Les choses divines sont celles qui, lorsqu’on les donne, restent là d’où elles proviennent, etc. » Ce principe, dont Plotin a fait le pivot de son système, est emprunté à Philon, comme l’a démontré M. Ravaisson, dans son Essai sur la Métaphysique d’Aristote, t. II, p. 365-371.