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LIVRE TROISIÈME.


S’il en est ainsi, comment se fait-il que tous les hommes disent que l’âme est dans le corps ? C’est que l’âme n’est pas visible, tandis que le corps est visible. Or, apercevant le corps, et jugeant qu’il est animé parce qu’il se meut et qu’il sent, nous disons qu’il a une âme, et nous sommes par conséquent amenés à penser que l’âme est dans le corps. Mais, si nous pouvions voir et sentir l’âme, reconnaître qu’elle enveloppe le corps tout entier par la vie qu’elle possède, et qu’elle s’y étend également de tous les côtés jusqu’à ses extrémités, nous dirions que l’âme n’est en aucune façon dans le corps, que c’est au contraire l’accessoire qui est dans le principal, le contenu dans le contenant, ce qui s’écoule dans ce qui ne s’écoule pas[1].

XXI. Que répondrons-nous si quelqu’un, sans rien affirmer lui-même à ce sujet, nous demande comment l’âme est présente au corps, si l’âme est tout entière présente au corps de la même manière, ou si une de ses parties est présente d’une manière, une autre d’une autre manière ?

Puisqu’aucune des comparaisons que nous avons exami-

  1. Ce passage est cité par Maxime de Tyr (XV, 5, p. 169), et saint Augustin y fait allusion dans les termes suivants : « E. Quid igitur faciam ? Nonne istis rationibus confici potest animas nostras non esse in corporibus ? Quod si ita est, nonne ubi sim nescio ? Quis enim mihi eripit quod ego ipse anima sum ? A. Ne perturbere, ac magis bono animo facito sis. Ista enim cogitatio et consideratio ad nosmetipsos nos invitat, et quantum licet avellit a corpore. Quod autem tibi visum est, non esse animam in corpore viventis animantis, quanquam videatur absurdum, non tamen doctissimi homines, quibus id placuerit, defuerunt, neque nunc arbitrer deesse ; sed, ut ipse intelligis, res est subtilissima, et ad quam cernendam mentis acies satis purganda est. » (De Quantitate animœ, 30.) Par doctissimi homines, saint Augustin désigne ici Plotin et Porphyre. Il emploie la même expression dans son Traité De la Musique (VI, 16) en citant le livre de Plotin Sur les vertus (Enn. I, liv. II). Voy. encore ce qu’il dit du livre Sur l’influence des astres, t. I, p. 166, note 1.