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LIVRE QUATRIÈME.


ments, ou avec celles qui dérivant de leur mélange[1] ; il ne faut pas non plus prétendre que le Soleil produit tout par la chaleur, et tel autre astre [Saturne] par le froid. Que serait le froid dans le ciel, dans un corps igné, dans le feu, qui n’a rien d’humide[2] ? Joignez à cela que de cette manière il serait impossible de reconnaître la différence des astres. Il est d’ailleurs beaucoup de faits que nous ne saurions leur rapporter. Si l’on attribue à l’influence des astres les différences des caractères, parce qu’on suppose qu’elles proviennent du tempérament dans lequel il y a un excès de chaleur ou de froid, comment pourra-t-on par de pareilles causes expliquer la haine, l’envie, la méchanceté[3] ? Admettons cependant qu’on le puisse, comment alors expliquera-t-on par les mêmes causes la bonne et la mauvaise fortune, la pauvreté et la richesse, la noblesse des pères et des enfants, la découverte de trésors[4] ? On pourrait-citer mille faits également étrangers à l’influence que les qualités corporelles des éléments exercent soit sur les Corps, soit sur les âmes des animaux.

Il ne faut pas non plus attribuer soit à une décision volontaire, soit à des délibérations de l’univers et des astres, les choses qui arrivent aux êtres placés dans la région sublunaire. Il n’est pas permis de penser que les dieux dirigent le cours des événements de telle sorte que les uns deviennent voleurs, que d’autres réduisent leurs semblables à l’esclavage, que ceux-ci percent les murs ou commettent des sacriléges, que ceux-là soient lâches, efféminés dans leur conduite et infâmes dans leurs mœurs[5]. Favoriser ces crimes est indigne non-seulement des dieux, mais encore d’hommes de la vertu la plus ordinaire. D’ailleurs, quels

  1. Plotin fait ici allusion à la théorie exposée par Aristote dans son traité De la Génération et de la Corruption, II, 2-8.
  2. Voy. Enn. II, liv. III, § 2, 5 ; t. I, p. 167-168, 170-172.
  3. Ibid., § 2, p. 167-168.
  4. Ibid., § 14, p. 185.
  5. Ibid., § 2, 4 ; p. 167-168, 170.