Page:Plotin - Ennéades, t. II.djvu/446

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
396
QUATRIÈME ENNÉADE.


but, il n’est pas étonnant que toutes soient indiquées par des signes. La vertu n’a point de maître[1] ; cependant ses œuvres sont liées à l’ordre universel : car tout ce qui est ici-bas dépend d’un principe supérieur et divin, et l’univers lui-même y participe. Ainsi, ce qui arrrive dans l’univers n’a pas pour cause seulement des raisons séminales (σπερματιϰοὶ λόγοι), mais des raisons d’un ordre plus relevé, fort supérieures aux précédentes [les idées][2]. En effet, les raisons séminales ne contiennent le principe de rien de ce qui se produit en dehors des raisons séminales, ni de ce qui dérive de la matière, ni de l’action que les choses engendrées exercent les unes sur les autres. La Raison de l’univers ressemble à un législateur qui établit l’ordre dans une cité[3] ; celui-ci, sachant quelles actions feront les citoyens et à quels motifs ils obéiront, règle là-dessus ses institutions, lie étroitement ses lois à la conduite des individus qui y sont soumis, établit pour leurs actions des peines et des récompenses, de telle sorte que toutes choses concourent d’elles-mêmes à l’harmonie de l’ensemble par un entraînement invincible. Chacune d’elles est indiquée par des signes, sans que cette indication soit un but essentiel de la nature ; c’est seulement la suite de leur enchaînement. Comme toutes ces choses n’en forment qu’une seule, ne dépendent que d’une seule, chacune d’elles est connue par une autre, la cause par l’effet, le conséquent par l’antécédent, le composé par les éléments.

Si les explications que nous venons de donner sont satisfaisantes, elles résolvent la question que nous avons po-

  1. « La vertu n’a point de maître : elle s’attache à qui l’honore, et abandonne qui la néglige. On est responsable de son choix : Dieu est innocent. » (Platon, République, X, p. 617 ; t. X, p. 281 de la trad. de M. Cousin.) Plotin a déjà cité ce passage dans l’Enn. II, liv. III, § 9.
  2. Voy. Enn. II, liv. III, § 18, p. 193.
  3. Cette idée est empruntée aux Stoïciens : « ut universus jam hic mundus una civitas sit communis deorum atque hominum existimanda. » (Cicéron, De Legibus, I, 7.)