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QUATRIÈME ENNÉADE, LIVRE VII.


LIVRE SEPTIÈME.
DE L’IMMORTALITÉ DE L’ÂME.[1]

(I-V.) Pour savoir si l’âme est immortelle, il faut examiner si elle est indépendante du corps.

A. l’âme n’est pas corporelle.

1o Ni une molécule matérielle ni une agrégation de molécules matérielles ne sauraient posséder la vie et l’intelligence. 2oUne agrégation d’atomes ne pourrait former un tout qui fût un et sympathique à lui-même. 3o Tout corps est composé d’une matière et d’une forme, tandis que l’âme est une substance simple. 4o L’âme n’est pas une simple manière d’être de la matière, parce que la matière ne saurait se donner à elle-même une forme. 5o Aucun corps ne subsisterait sans la puissance de l’Âme universelle. 6o Si l’âme est autre chose que la simple matière, elle doit constituer une forme substantielle. 7o Le corps exerce une action uniforme, tandis que l’âme exerce une action très diverse. 8o Le corps n’a qu’une seule manière de se mouvoir, tandis que l’âme a des mouvements différents. 9o L’âme, étant toujours identique, ne peut, comme le fait le corps, perdre des parties ni s’en adjoindre. 10° Étant une et simple, elle est tout entière partout, et elle a des parties identiques au tout ; il n’en est pas de même du corps.

(VI-VIII) 11° Le corps ne saurait posséder ni la sensation, ni la pensée, ni la vertu. — [Impossibilité pour le corps de sentir.] Le sujet qui sent doit être un, inétendu, pour percevoir l’objet sensible tout entier à la fois, pour être le centre auquel viennent aboutir toutes les sensations qu’il compare et qu’il juge. Si l’âme était corporelle, elle devrait avoir autant de parties que l’objet sensible et percevoir une infinité de sensations ; de plus, chaque sensation serait une empreinte matérielle, ce qui rendrait la mémoire impossible. On peut en dire autant des affections : dans la douleur, il y a la souffrance qui est propre au corps, et le sentiment de cette souffrance qui appartient à l’âme ; ce sentiment n’est pas transmis de proche en proche [comme l’enseignent les Stoïciens], mais produit instantanément, par conséquent, il suppose l’unité du principe qui sent. — [Impossibilité pour le corps de penser.] L’âme pense : or, la pensée de l’intelligible, qui est indivisible et incorporel, suppose un sujet de même nature. — [Impossibilité pour le corps de posséder la vertu.] La Beauté et la Justice, n’ayant pas d’étendue, ne peuvent être conçues et gardées que par un principe indivisible. Si l’âme était corporelle, les vertus,

  1. Voy. ci-après Porphyre, Traité de l’Âme, p. 619-624, et Jamblique, Traité de l’Âme, § V, p. 654-656.