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SOMMAIRES.


telles que la prudence, la justice, le courage, ne seraient plus qu’une certaine disposition du sang ou du souffle vivant ; or, une pareille hypothèse est inadmissible.

12° Les corps n’agissent que par des puissances incorporelles qu’ils tiennent de l’âme. Celle-ci doit donc être elle-même une force incorporelle. 13° L’âme pénètre le corps tout entier, tandis qu’un corps tout entier ne peut pénétrer un autre corps tout entier. 14° Si [comme le prétendent les Stoïciens] l’homme était d’abord une habitude, puis une âme, enfin une intelligence, le parfait naîtrait de l’imparfait, ce qui est impossible.

B. l’âme n’est pas l’harmonie ni l’entéléchie du corps.

L’âme n’est pas l’harmonie du corps[1] : car l’harmonie est un effet ; elle suppose donc une cause ; or cette cause n’est autre que l’âme.

L’âme n’est pas non plus l’entéléchie du corps naturel, organisé, qui a la vie en puissance. En effet, cette hypothèse soulève une foule de difficultés. D’abord, la pensée pure suppose un principe séparé du corps. Ensuite, le souvenir de la sensation, à moins d’être assimilé à une empreinte corporelle, doit être conçu comme indépendant de l’organisme. Enfin, les fonctions même de la vie végétative ne sauraient s’expliquer par une force complètement inséparable de la matière qu’elle façonne.

C. l’âme est une essence incorporelle et immortelle.

(IX-X) Puisque l’âme n’est ni un corps ni une manière d’être d’un corps, et qu’elle est cependant le principe de la force active, il faut admettre qu’elle est une essence véritable, qui donne au corps le mouvement et la vie parce qu’elle se meut elle-même et qu’elle possède la vie par elle-même. Elle est donc immortelle. Pour s’en convaincre, il suffit de considérer l’affinité qu’elle a avec la nature divine et éternelle, lorsque, se séparant du corps, elle s’applique à penser et s’élève à Dieu[2]

  1. Voy. Olympiodore, Comm. sur le Phédon (dans M. Cousin, Fragments de Philosophie ancienne, p. 414).
  2. C’est l’argument de la similitude, argument développé par Porphyre dans son Traité de l’Âme (Voy. ci-après. p. 619-621), et par Olympiodore dans son Commentaire sur le Phédon : « Olympiodore nous apprend, » dit M. Cousin, « que l’argument tiré de l’essence de l’âme, et fondé sur l’analogie de l’âme avec l’indissoluble, était considéré par tous les interprètes de Platon comme le seul argument vraiment démonstratif. Ici Jamblique est cité. Voici quel était son raisonnement : il s’appuyait sur ce principe de Plotin [Enn. IV, liv. VII, § 3, p. 438-439] que tout ce qui est détruit l’est d’une de ces deux manières, soit comme composé, soit comme accident et n’ayant d’existence que dans un sujet. Ainsi les corps périssent parce qu’ils sont composés, et les qualités intellectuelles périssent aussi parce qu’elles n’existent que dans un sujet. Or, l’âme n’étant point composée et n’existant pas non plus dans un sujet, puisqu’elle gouverne le corps, lui donne la vie et a en elle-même son principe d’action, ne peut périr d’aucune manière, ni comme composée, ni comme dépendante d’un sujet pour son existence. » (M. Cousin, Fragments de Philosophie ancienne, p. 411.)