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QUATRIÈME ENNÉADE.


alors comment nous souvenir, comment connaître nos facultés propres, si nous n’avons pas une âme identique ?

[10° L’âme, étant une et simple, est tout entière partout et a des parties dont chacune est identique au tout ; il n’en est pas de même du corps.]

Si l’âme est un corps, tout corps étant divisible de sa nature, elle aura des parties qui ne seront pas identiques au tout. Si donc l’âme a une grandeur déterminée dont elle ne puisse rien perdre sans cesser d’être une âme, en perdant de ses parties, elle changera de nature, comme cela arrive à toute quantité[1]. Si un corps, en perdant de sa grandeur, reste identique cependant sous le rapport de la qualité, il n’en devient pas moins autre qu’il n’était sous le rapport de la quantité, et il ne reste identique que sous le rapport de la qualité, qui diffère de la quantité. Que répondront ceux qui prétendent que l’âme est un corps ? Diront-ils que, dans le même corps, chaque partie possède la même qualité que l’âme totale et qu’il en est de même de la partie d’une partie ? Alors la quantité n’est plus essentielle à la nature de l’âme ; cependant on supposait d’abord que l’âme avait besoin de posséder une grandeur déterminée. De plus, l’âme est tout entière partout ; or, il est impossible qu’un corps soit tout entier en plusieurs lieux à la fois, qu’il ait des parties identiques au tout[2]. Refuse-t-on le nom

  1. Ce passage est cité par le P. Thomassin dans ses Dogmata theologica, t. I, p. 197.
  2. Saint Augustin a reproduit cet argument dans plusieurs de ses écrits. Voici comment il s’exprime à ce sujet dans sa Lettre CLXVI (De Origine animœ hominis, § 2) : « Si corpus non est, nisiquod per loci spatium aliqua longitudine, latitudine, altitudine ita sistitur vel movetur, ut majore sui parte majorem locum occupet et breviore breviorem, minusque sit in parte quam in toto, non est corpus anima. Per totum quippe corpus, quod animat, non locali diffusione, sed quadam vitali intentione porrigitur. Nam per omnes ejus particulas tota simul adest, nec minor in minoribus et in majoribus major, sed alicubi intentius,