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NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.


les destinées de l’univers entier sont ordonnées à l’avance et de tout temps dans la raison séminale universelle, qui par conséquent doit s’appeler l’universelle Providence, πρόνοια. Cette âme de l’univers, cette Raison séminale où toutes les causes sont comprises, cette Cause de toutes les causes, ce Destin invincible et en même temps cette Providence vigilante, c’est Dieu[1].

Le monde, suivant les Stoïciens, est un être animé, un animal à proprement parler. La cause qui le meut est donc une âme ; mais il n’est aucun être que le monde ne surpasse beaucoup, non seulement en grandeur, mais encore en ordre et en beauté : il n’est point d’âme que ne surpasse beaucoup l’Âme du monde. La cause de laquelle proviennent toutes les autres causes leur est nécessairement supérieure.

La cause, chez les êtres les plus parfaits de l’univers, est un feu subtil qui est plein d’art. Dieu, cause du monde entier, est donc l’éther le plus subtil et le plus rare, le feu céleste au degré le plus élevé de tension, le feu artiste ou savant par excellence, par cela même l’âme la plus parfaite, le principe dirigeant le plus sage, la plus droite et la plus infaillible raison. Le Dieu de Zénon n’est pas, comme celui d’Aristote, un principe séparé de la matière, en dehors de toute la nature, exempt du mouvement dont elle est animée, et n’agissant sur elle que par le désir dont il la remplit. Loin de là, il a, comme toute cause, sa matière avec laquelle il est étroitement

    tout être, suivant les Stoïciens, deux principes, l’un passif, l’autre actif. Par le premier, le corps est susceptible de toutes sortes de modifications et de mouvements : c’est la matière, ὕλη, qui forme la substance, οὐσία. Le second principe est la cause, αἰτία, qui fait de la matière telle ou telle chose déterminée, qui la caractérise, qui la qualifie ; et c’est pourquoi les Stoïciens l’appellent la qualité, ποιότης&hellip ; Ainsi, la qualité des Stoïciens, c’est la forme essentielle des Péripatéticiens. Aussi, de même que dans la doctrine péripatéticienne, de même dans celle des Stoïciens, le principe actif, cause de tout ce que devient la matière, est ce qui explique les choses, ce qui en rend compte, et, comme les Stoïciens le nomment, la raison, λόγος&hellip ; Si la cause est selon les Stoïciens la raison des modifications de la matière, ce n’est pas qu’elle soit, comme dans la philosophie d’Aristote, la cause finale immobile, vers laquelle se dirigent les mouvements ; c’est qu’elle se meut au sein de la matière, et y produit successivement avec ordre, comme une semence qui se développe, la multiplicité qu’elle contient ; et c’est pourquoi les Stoïciens l’appellent, d’un nom qui renferme à la fois le nom de raison et celui de semence, une raison séminale, λόγος σπερματιϰός. »

  1. Diogène Laërce, VII, § 136 ; Cicéron, De nat. Deor., II, 22 ; Plutarque, De plac. phil., I, 7 ; Stobée, Eclogœ phys., I, 18, p. 372.