Page:Plotin - Ennéades, t. II.djvu/59

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
9
LIVRE PREMIER.


concours des atomes arrive-t-il que celui-ci soit géomètre, celui-là arithméticien et astronome, cet autre philosophe ? Car, dans cette doctrine, nous ne produisons aucun acte qui nous appartienne, nous ne sommes même plus des êtres vivants, puisque nous subissons l’impulsion de corps qui nous entraînent comme des choses inanimées.

La doctrine des philosophes qui expliquent tout par d’autres causes corporelles [par les éléments] est sujette aux mêmes objections. Des principes de nature inférieure peuvent bien nous échauffer, nous refroidir, nous faire périr même ; mais ils ne sauraient engendrer aucune des opérations que produit l’âme : celles-ci ont une tout autre cause.

IV. Mais ne pourrait-on pas supposer qu’une seule Âme répandue dans tout l’univers produise tout, et, en donnant le mouvement à l’univers, donne le mouvement à tous les êtres qui en font partie, de sorte que toutes les causes secondes découleraient nécessairement de cette cause première, et que leur suite et leur connexion constitueraient le Destin[1] ? De même, dans une plante, par exemple, on pourrait appeler Destin de la plante le principe [dirigeant] qui de la racine administre les autres parties et enchaîne les unes aux autres dans un seul système leurs actions et leurs passions[2].

D’abord cette Nécessité, ce Destin se détruisent par leur excès même et rendent impossibles la suite et l’enchaînement des causes. En effet, il est absurde de soutenir

  1. C’est le système d’Héraclite, comme nous l’avons dit p. 6, note 3.
  2. « Omnem naturam necesse est, quæ non solitaria sit neque simplex, sed cum alio juncta atque connexa, habere aliquem in se principatum, ut in homine mentem, in bellua quiddam simile mentis, unde oriantur rerum appetitus. In arborum autem et earum rerum quæ gignuntur e terra radicibus in esse principatus putatur. Principatum autem dico, quod Græci αὐτεξούσιον vocant ; quo nihil in quoque genere nec potest nec debet esse præstantius. » (Cicéron, De natura Deorum, II, 11.)