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TROISIÈME ENNÉADE.


que nos membres sont mus fatalement quand ils sont mis en mouvement par le principe dirigeant (car il n’y a pas d’un côté une partie qui donne le mouvement, de l’autre côté une partie qui le reçoive de la précédente ; c’est le principe dirigeant qui meut la jambe comme toute autre partie) ; de même, s’il n’y a dans l’univers qu’un seul principe qui agisse et qui pâtisse, si les choses dérivent les unes des autres par une série de causes dont chacune se ramène à celle qui la précède, on ne pourra plus alors dire avec vérité que toutes choses arrivent par des causes : toutes en effet ne feront plus qu’un seul être. Dans ce cas, nous ne sommes plus nous, il n’y a plus d’action qui soit nôtre, ce n’est plus nous qui raisonnons ; c’est un autre principe qui raisonne, qui veut, qui agit en nous, comme ce ne sont pas nos pieds qui marchent, mais nous qui marchons par nos pieds. Cependant il faut admettre que chacun vit, pense, agit d’une vie, d’une pensée, d’une action qui lui soit propre ; il faut laisser à chacun la responsabilité de ses actions, bonnes ou mauvaises, et ne pas attribuer à la cause universelle des choses honteuses.

V. Mais [dira-t-on], les choses ne se produisent pas ainsi, et leur disposition dépend du mouvement circulaire du ciel qui gouverne tout, du cours des astres, de leur situation relative au moment de leur lever, de leur coucher, de leur zénith, ou de leur conjonction[1]. En effet, c’est d’après ces signes que l’on présage et que l’on prédit ce qui doit arriver, non seulement à l’univers, mais encore à chaque homme sous le rapport de l’esprit aussi bien que sous celui de la fortune. On voit que les autres animaux et les végétaux sont plus grands ou plus petits d’après l’espèce de sympathie qui existe entre eux et les autres, que toutes les autres

  1. Pour le développement des idées que Plotin expose ici sur l’astrologie judiciaire, Voy. Enn. II, liv. III, t. I, p. 165-174 (De l’influence des astres), et pour les Éclaircissements, p. 457-468.