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JAMBLIQUE.


propre à l’âme elle-même. De même que, selon ce philosophe, il y a en nous deux vies, l’une séparée du corps, l’autre commune au corps et à l’âme, de même il y a des fonctions (ἐνεργήματα (energêmata)) qui appartiennent à l’âme, et d’autres qui appartiennent au composé[1]. Parmi ces dernières, les unes ont leur origine dans l’âme, d’autres naissent des affections du corps, d’autres proviennent à la fois de l’âme et du corps, mais toutes ont l’âme pour cause commune[2]. De même que la marche d’un navire dépend à la fois du vent et du pilote, et que, si le mouvement ne peut avoir lieu sans le concours de plusieurs autres choses, le pilote et le vent en contiennent rependant en eux la cause principale[3] ; de même, l’âme se sert elle-même de tout le corps et en gouverne toutes les actions, en le dirigeant comme un char[4] ou un instrument[5] ; mais, en même temps, elle a en elle-même des mouvements qui lui sont propres et qui, ne dépendant pas de l’animal, réalisent la vie qui lui est essentielle, tels que l’enthousiasme[6], la pensée pure, et, en général, tous les actes par lesquels nous nous unissons aux dieux.

C’est ce que n’accordent point les philosophes qui font de

  1. Voy. Plotin, Enn. I, liv. I, § 9.
  2. Cette idée est développée dans Michel Psellus (De Omnifaria doctrina, § 41) : « Parmi les opérations, les meilleures et les plus éminentes ont leur origine dans l’âme. D’autres sont excitées par le corps : quand un besoin se fait sentir, l’âme cherche ce qui peut le satisfaire. D’un côté, il y a des affections du corps qui ont leur origine dans l’âme : le visage rougit, par exemple, parce que l’âme a jugé qu’une chose est honteuse. D’un autre côté, il y a des affections de l’âme qui ont leur origine dans le corps : l’âme éprouve des plaisirs et des peines, par exemple, à cause de la génération du corps. Il y a enfin des affections qui sont communes à l’âme et au corps, telles que la locomotion : car changer de lieu est le propre du corps ; participer à la locomotion est une opération de l’âme.
  3. Pour la comparaison de l’âme avec le pilote d’un navire, Voy. Platon, Critias, et Aristote, De l’âme, II, 1.
  4. Voy. Platon, Phèdre.
  5. Voy. Platon, 1er Alcibiade.
  6. L’enthousiasme est l’acte par lequel l’âme s’unit aux dieux et particulièrement à l’Un. C’est l’extase, telle que Porphyre la décrit. ci-dessus (p. 626, § V). On y arrive par l’unification progressive de toutes les puissances de l’âme, comme Jamblique l’explique lui-même dans ce fragment : « Jamblique nous recommande souvent de concentrer dans l’unité la multiplicité de nos pensées, de ramener au centre ce qui rayonne vers la circonférence, et de nous approcher dans cet état d’unité et d’intelligibilité, de ce qui est un et intelligible, pour le saisir par une seule pensée, grande, indivisible, intelligible. » (Damascius, Des Principes, p. 331, éd. Kopp.) Proclus a développé cette théorie dans le passage suivant : « Après avoir atteint la Science, laissons là les analyses, les synthèses et les opérations diverses de la pensée discursive, et appliquons notre âme aux