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TRAITÉ DE L’ÂME.


universelle[1], réduisent ensuite la multiplicité universelle à l’unité, en ce que les modes et les degrés divers [de la vie] reviennent se confondre dans cette âme unique : de cette manière, ils empêchent cette âme de se diviser avec les êtres qui y participent, quand elle cesse de se communiquer à eux [par suite de leur mort], et ils la conservent partout universelle et identique ; ils lui attribuent donc une essence unique, déterminée par l’unité.

Ceux qui, comme Démocrite et Épicure, admettent qu’il y a une infinité de mondes, et croient que les âmes sont constituées par l’infinité des atomes qui se rencontrent par hasard et qui forment tel élément[2], disent, pour être d’accord avec leurs principes, que le nombre des âmes est infini. — Il est aussi des philosophes qui, faisant naître les âmes de semences dont chacune peut à son tour en engendrer plusieurs sans que la progression s’arrête jamais, rendent leur nombre infini par la génération (γένεσις (genesis)), dont l’action est perpétuelle[3]. — D’autres, tirant d’un seul animal qui périt plusieurs animaux et plusieurs vies, conçoivent aussi le nombre des âmes comme illimité par la transformation (μεταϐόλη (metabolê)) qui l’accroît toujours : car la transformation ne subit aucune interruption dans ce système, et, par suite, la naissance y succède sans cesse à la mort[4]. — D’autres encore, confondant l’âme avec la nature, reconnaissent également qu’il se produit par division (διαίρεσις (diairesis)) un nombre infini d’âmes[5] : car si l’on divise un des êtres produits par la nature, c’est-à-dire un végétal, chaque partie est identique au tout et paraît pouvoir engendrer d’autres végétaux semblables[6].

Quant aux Platoniciens, comme ils enseignent que les âmes ne naissent pas et ne périssent pas, ils affirment qu’elles existent toujours dans la même proportion (συμμετρία (summetria)), puisque leur nombre ne peut s’accroître par des naissances ni diminuer par des extinctions. Plotin en particulier regarde cette mesure (μέτρον (metron)) comme un nombre parfaitement déterminé[7].

  1. Voy. ci-dessus, § ii, p. 682.
  2. Voy. ci-dessus. p. 626.
  3. Ceci s’applique aux Péripatéticiens.
  4. Telle était la doctrine des nouveaux Pythagoriciens qui considéraient la naissance et la mort des êtres comme de simples transformations. (Voy. M. Ravaisson, Essai sur la Métaphysique, t. II, p. 325-328.) Cronius avait écrit sur ce sujet un livre intitulé De la Palingénésie (Némésius, De la Nature de l’homme, chap. ii).
  5. Il s’agit ici des Stoïciens, qui confondaient l’Âme du monde avec la Nature (Diogène Laërce, VII, § 148), et croyaient que chaque semence contient une parcelle de l’âme des parents (Eusèbe, Prép. évang., XV, 20).
  6. Voy. Aristote, De l’Âme, I. 5, p. 159 de la trad. fr.
  7. « La période totale contient toutes les raisons [séminales des êtres]. Quand elle est finie, les mêmes êtres sont reproduits par les mêmes raisons… S’il existe une mesure (μεμέτρεται (memetretai)) qui règle combien il doit y avoir d’êtres, leur quantité (τὸ ποσὸν (to poson)) sera déterminée par révolution et le développement de toutes les raisons, en sorte que, quand tout sera fini, une autre période recommencera. » (Plotin, Enn. V, liv. VII, § 1, 3.)