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COMMENTAIRE DU TRAITÉ D’ARISTOTE SUR L’ÂME.


viennent de l’intelligence[1] ; elle reçoit elle-même les images que lui fournissent les diverses puissances de l’âme, et le nom qu’elle porte exprime fort bien la propriété qu’elle a de tout s’assimiler en recevant et en réfléchissant tous les phénomènes des facultés intellectuelles, végétatives ou intermédiaires entre les unes et les autres. Elle retrace et représente toutes les opérations de l’âme[2] ; elle rapproche celles qui sont extérieures de celles qui sont intérieures, et transmet aux puissances qui sont répandues dans le corps les impressions qu’elle reçoit de l’Intelligence. Puisque l’Imagination a pour essence la propriété de s’assimiler toutes choses, elle est avec raison liée à toutes les autres puissances auxquelles elle est antérieure et dont elle provoque les opérations. Elle ne consiste point dans une passion, ni dans un mouvement, mais dans un acte indi-

  1. Cette théorie de l’Imagination est conforme à celle qu’on trouve dans Plotin (Voy. Enn. I, liv. I, § 9 ; liv. iv, § 10 ; et Enn. IV, liv. III, § 29, 30). Elle a été développée par Plutarque d’Athènes : « Après que le sens s’est appliqué l’objet sensible et en a reçu la forme, il la garde ; c’est à cette forme que l’Imagination s’applique pour se la représenter, comme le dit Plutarque. Aussi définit-il l’Imagination le mouvement de l’âme qui naît immédiatement de la sensation en acte… Selon Plutarque, l’Imagination est double : par une extrémité, elle aboutit à la faculté supérieure, c’est-à-dire, elle commence où finit la Raison discursive ; par l’autre extrémité, elle aboutit aux Sens dont elle forme le sommet. L’Imagination ne donne rien à l’intelligence et à la Raison discursive ; mais elle est purifiée et perfectionnée par ces facultés, parce que, guidée par elles, elle arrive à posséder la vérité autant qu’elle en est capable par sa nature. De là vient que l’Imagination tâche d’accompagner toujours l’exercice de ces facultés, afin de participer à la raison et à la vérité. Plutarque se sert à ce propos d’une comparaison fort juste qui mérite d’être rapportée. La partie supérieure de l’Imagination, dit-il, qui touche à la Raison discursive, est avec elle dans le même rapport qu’une ligne avec une autre qu’elle touche en un point. De même que ce point est identique et différent : identique, parce qu’il est un ; et différent, parce qu’il peut être pris avec l’une ou avec l’autre des deux lignes ; de même l’Imagination peut être considérée comme simple et comme double [par rapport aux Sens et à l’Intelligence], parce que, d’un côté, elle ramène à l’unité l’objet sensible qui est divisé, et que, de l’autre côté, elle représente et elle exprime par des images et des formes diverses les choses divines qui sont simples et indivisibles. » (Jean Philopon, Comm. sur le Traité de l’Âme, III, § 30, 32.)
  2. Cette phrase est citée par Simplicius : « Quoique l’Imagination, comme le dit Jamblique, représente toutes nos opérations rationnelles, cependant elle devient semblable aux formes sensibles qui sont figurées et divisibles : c’est pourquoi elle touche à la Sensibilité. » (Comm. du Traité d’Aristote sur l’Âme, f. 60, éd. d’Alde.)