Page:Plotin - Ennéades, t. II.djvu/727

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
677
THÉOPHRASTE.


Apollon ordonne dans ses oracles d’ajouter foi à tous les dogmes des Égyptiens. Quant à Platon, dans le Timée, il dit que les hommes qui ont été efféminés en cette vie seront changés en femmes à une seconde naissance, que les âmes remplies de méchanceté passeront dans des corps de bêtes, vivront avec des animaux terrestres, voleront avec des oiseaux ou se mêleront aux poissons[1]. Socrate, dans son entretien avec Phédon, change en éperviers et en loups les hommes enclins à la cupidité et portés aux rapines, et envoie dans des corps d’ânes ceux qui sont esclaves de la concupiscence. Quand il bâtit sa République fortunée, il dit qu’Orphée, fils de Calliope, après être mort déchiré par des femmes, détestant les hommes, devint un cygne, afin de chanter encore selon son habitude[2] ; que Thersite, le plus laid de tous ceux qui vinrent sous les murs d’Ilion[3], revêtit le corps d’un singe, afin d’imiter Achille, non lorsqu’il combattait, mais lorsqu’il insultait Agamemnon. C’est ainsi que Platon reproduit les goûts des hommes dans leurs métamorphoses, en changeant leur forme sans changer leur caractère.

Euxithéus. Mais quoi, mon cher, ceux qui nous initient aux mystères de Platon ne déploient-ils pas ici leur subtilité comme dans le reste, et ne cherchent-ils pas à soustraire leur maître au ridicule en changeant le sens des mots et en confondant les idées ?

Théophraste. Les anciens commentateurs de Platon n’ont rien changé à ce qu’il avait dit sur ce sujet, sachant bien que leur maître, instruit dans la doctrine des Égyptiens et leur ayant entendu dire à satiété que l’âme humaine passe dans les corps de tous les animaux, répand ce dogme dans tous ses dialogues. Plotin et Harpocration, Numénius et Amélius[4], donnent l’épervier de Platon pour un épervier, son loup pour un loup, et son âne pour un âne ; pour eux, le cygne est un cygne, et le singe un singe[5]. Ils affirment qu’il est possible que l’âme soit remplie de méchanceté

  1. Voy. Platon, Timée, p. 42, 91, etc.
  2. Voy. les passages de Platon cités ci-dessus, p. 91-93, notes.
  3. Voy. Homère, Iliade II, 210.
  4. Nous lisons avec M. Boissonade Amélius, au lieu de Boéthus, contre lequel Porphyre a composé son traité De l’Âme.
  5. Pour Plotin, Voy. Enn. III, liv. IV, § 2. Ce philosophe paraît avoir varié d’opinion au sujet de la métempsycose. Dans le livre I de l’Ennéade I, le dernier qu’il ait écrit, il semble abandonner la doctrine de Platon : « S’il est vrai, comme on le dit, que les corps d’animaux renferment des âmes humaines qui ont péché, la partie de ces âmes qui est séparable n’appartient pas en propre à ces corps ; tout en les assistant, elle ne leur est pas présente, etc. » (Tome I, p. 48).