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Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/130

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LIVRE QUATRIÈME.


telligence parce que l’Être est inséparable de l’Intelligence. En effet l’Être n’est pas en quelque sorte mort ; il n’est pas sans vie, ni sans pensée : l’Intelligence et l’Être sont une seule et même chose. Les intelligibles n’existent pas avant l’Intelligence qui les pense, comme les objets sensibles existent avant la sensation qui les perçoit. L’Intelligence elle-même est les choses qu’elle pense[1], puisque leurs formes ne lui sont pas apportées du dehors. D’où les recevrait-elle en effet ? Elle existe avec les choses intelligibles, elle leur est identique et ne fait qu’un avec elles. Réciproquement, les choses intelligibles n’existent pas sans leur matière [c’est-à-dire sans l’Intelligence[2]].

  1. Damascius dit à ce sujet : « Il semble que la connaissance de l’essence soit la génération de l’être. En effet, en s’élevant à l’être, le principe qui connaît devient une essence par le fait même de la connaissance, devient une essence, dis-je, qui n’est point l’essence première, mais qui est engendrée en quelque sorte. L’intelligence est les choses qu’elle pense, comme le dit Aristote. » (Des Principes, 81, p. 227, éd. Kopp.) Voy. Aristote, De l’Âme, III, 4 et 5. La fin de ce livre est citée par le P. Thomassin, qui la commente en ces termes : « Expressius [quam Plato] hæc omnia Plotinus, et primo quod ipsum ens sit omnia, quod prima mens sit omnia, quod prima mens essendo omnia intelligat omnia, quod mens et ens unum idemque sint, quod denique supra omnia, supra ens, supra mentem sit ipsum unum… Non potuit apertius declarari ut Verbum, intellectus, mens, prima proles sit summi Parentis, ipsius unius, sitque ens ipsum, seu essentia rerum omnium quas essendo intelligit. » (Dogmata theologica, t. I, p. 59.)
  2. Καὶ ἡ επιστολὴ μήδὲ τῶν ἄνευ ὕλής τὰ πράγματα (Kai hê epistolê mêde tôn aneu hulês ta pragmata). Les mots ἡ επιστολὴ (hê epistolê) n’ont point de sens. Ficin semble avoir lu επίσης (épisês) et traduit : « Atque vicissim neque res ipsæ intelligibiles omnino sunt absque materia scilicet sua, id est intellectu. » Taylor, dans une lettre adressée à Creuzer, lui proposait de changer επιστολὴ (epistolê) en επιστρογὴ (epistrophê), pour se conformer au sens adopté par Ficin, vicissim. Dans l’édition de Plotin publiée par M. Didot, Creuzer propose ἐξ έπιπολῆς (ex epipolês), manifesto. Quelle que soit la correction que l’on adopte pour le texte, le sens proposé par Ficin nous semble être le véritable. Quant à la matière intelligible, Voy. Enn. II, liv. IV, § 4-5 ; t. I, p. 98-201.