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LIVRE CINQUIÈME.
LES INTELLIGIBLES NE SONT PAS HORS DE L’INTELLIGENCE. DU BIEN[1].

I. Y a-t-il quelqu’un qui puisse croire que l’intelligence véritable et réelle soit capable de se tromper et d’admettre l’existence de choses qui n’existeraient pas ? Personne, assurément. Comment l’intelligence mériterait-elle encore le nom d’intelligence si elle n’était pas intelligente ? Il faut donc qu’elle possède toujours la science sans être sujette à l’oubli, et que la science qu’elle possède ne soit ni conjecturale, ni douteuse, ni empruntée à autrui, ni par conséquent acquise au moyen de la démonstration : car, supposât-on qu’elle dût quelque chose à la démonstration, on ne refuserait pas sans doute d’admettre qu’elle possède par elle-même des connaissances certaines ; mais disons plutôt, comme l’exige la raison, qu’elle tire tout de son propre fond. Autrement, comment distinguerait-on ce qu’elle aurait par elle-même de ce qu’elle tiendrait d’autrui ? D’où viendrait la certitude des connaissances qu’elle ne devrait qu’à elle-même ? Comment aurait-elle le droit de croire que les choses sont telles qu’elle les conçoit ? En effet, quoique les choses qui tombent sous les sens semblent capables de produire en nous le plus haut degré d’évidence, on se demande si leur nature apparente ne dépend pas plus de nos modifications que des objets eux-mêmes ; on exige pour y croire l’assentiment de l’intelligence, ou du

  1. Pour les Remarques générales, Voy. les Éclaircissements sur ce livre à la fin du volume.