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Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/252

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LIVRE PREMIER.


a transmission, réception et par suite relation. Si celui qui reçoit le mouvement l’a comme il a sa couleur, pourquoi ne dit-on pas qu’il a le mouvement ? Les mouvements absolus, tels que marcher [et penser] ont la marche et la pensée.

Considérons maintenant si prévoir c’est agir, et si être dirigé par la prévoyance d’un être c’est pâtir : car la prévoyance vient d’un être et s’applique à un autre. Selon nous, prévoir, ce n’est pas agir, quoique la prévoyance s’applique à un autre être ; de même, être dirigé par la prévoyance d’un autre être, ce n’est point pâtir. En général, penser n’est point agir : la pensée, en effet, ne passe pas dans l’objet pensé, mais s’exerce sur elle-même ; elle n’est point du tout une action. Les actes (ἐνέργειαι (energeiai)) ne sont pas tous des actions (ποιήσεις (poiêseis))[1], n’exercent pas tous une action : ils peuvent n’exercer une action que par accident. — Quoi ? si un homme qui marche imprimait sur la terre la trace de ses pas, n’exercerait-il pas une action ? — L’action qu’il exerce alors est la conséquence de ce qu’il est autre chose, ou de ce qu’il agit par accident : cette action est accidentelle parce que cet homme n’y songeait point. C’est de cette manière que les choses inanimées exercent elles-mêmes une certaine action, que le feu échauffe et que la médecine agit. En voici assez sur ce sujet.

XXIII. [Avoir.] Examinons maintenant la catégorie d’avoir [ἔχειν (echein)].

Si le mot avoir s’emploie dans plusieurs sens, qui empêche de ramener à cette catégorie toutes les manières d’avoir, la quantité, par exemple, parce qu’elle a la grandeur, la qualité parce qu’elle a la couleur, le père parce qu’il a un fils, le fils parce qu’il a un père, et en général

  1. Pour Plotin, la pensée est un acte, mais non une action. L’action est opposée à la passion, et l’acte à la puissance : « L’acte est la forme et le caractère par lesquels un objet est en acte au lieu d’être simplement en puissance. » (Voy. Enn. II, liv. V, § 2 ; t. I, p. 238.)