Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/393

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prendre part aux délibérations sur la paix et sur les intérêts communs de la Grèce. Cependant rien ne se fit. Les villes n’envoyèrent point de députés, empêchées qu’elles furent, dit-on, par les Lacédémoniens ; car c’est dans le Péloponnèse que ce plan échoua d’abord. Toutefois j’ai cru devoir en faire mention, pour montrer la grandeur des conceptions de Périclès et la haute portée de son esprit.

Comme général, Périclès jouissait de la confiance universelle, parce qu’il ne hasardait rien ; parce qu’il ne livrait jamais une bataille dont le succès fût incertain, ou dût être payé trop cher ; parce qu’il n’enviait point les capitaines qui avaient gagné de brillantes victoires pour s’être aventurés, et qu’il ne cherchait point à les imiter, quelque gloire qu’ils eussent tirée de leur témérité ; surtout parce qu’il disait toujours à ses concitoyens qu’en tant qu’il dépendait de lui, ils seraient immortels. Tolmide, fils de Tolméus, enflé de ses succès antérieurs, et du renom que lui avaient fait ses actions militaires, se disposait à se jeter sur la Béotie sans aucune raison, et il avait engagé les jeunes Athéniens les plus braves et les plus passionnés pour la gloire, au nombre de mille, à se joindre à ses troupes, et à prendre part à l’expédition[1]. Périclès chercha à le retenir, et à le dissuader de son projet ; et c’est alors qu’il dit, dans l’assemblée du peuple, cette parole célèbre : « Si tu ne veux pas écouter Périclès, du moins tu ne feras pas mal d’attendre le plus sage des conseillers, le temps. » Cette parole ne fut presque point remarquée à ce moment ; mais, peu de jours après, lorsqu’on apprit que Tolmide avait été vaincu et tué, dans un combat près de Coronée, et qu’il y avait péri un grand nombre de citoyens courageux, on se rappela le mot de Périclès. L’estime qu’on lui portait

  1. Les troupes de Tolmide se composaient d’alliés d’Athènes, et c’est à ces alliés que s’adjoignirent les mille Athéniens.