Page:Poe - Contes inédits traduction William L. Hughes, Hetzel.djvu/13

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« doux et presque liquides. » Oui, ce sont de vraies larmes. Et tenez, la femme tressaille des pieds à la tête ; la statue respire enfin ! La pâleur de ce visage de marbre, le gonflement de cette poitrine de marbre, jusqu’à la blancheur de ces pieds de marbre, on les voit s’animer tout à coup sous le flot d’une rougeur involontaire. Un léger frisson parcourt son corps délicat, semblable aux beaux lis argentés qu’agite, au milieu de l’herbe, la douce brise du climat napolitain.

Pourquoi la dame a-t-elle rougi de la sorte ? Cette question doit rester sans réponse. Peut-être s’aperçoit-elle que, dans la précipitation de sa terreur maternelle, elle a oublié, en quittant son boudoir, d’emprisonner ses pieds mignons dans leurs pantoufles et de jeter sur ses épaules vénitiennes la draperie qui devrait les cacher. Quel autre motif aurait pu causer cette rougeur, ce regard effaré, suppliant, les palpitations inusitées de son sein gonflé, la pression convulsive de sa main, qui, tandis que le vieux Mentoni regagne nonchalamment le palais, rencontre par hasard celle de l’étranger ? Comment expliquer autrement le ton peu élevé, — c’est à peine si les paroles parvinrent jusqu’à moi, — de l’exclamation incompréhensible que la noble dame laisse échapper, au lieu de remercier le sauveur de son enfant ?