Page:Poictevin - Ludine, 1883.djvu/22

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Elle se plaisait autrement. Auprès du vieux garçon le farinier, sur son genou, dont le sautillement accompagnait la chanson fredonnée et faisait danser « fifille », elle regardait la grande, grande roue, dépassant les quatre étages du moulin, aux palettes versant l'eau qui saccadait bouillonnante ; et continûment, ces moments-là, elle tournait avec la roue. Tout un monde blanc c'était pour Ludine que la chambre aux mélanges, où elle se voyait blanchir, toute chaude, sous la farine poudroyante. Les meuniers, dans sa tête, ressemblaient aux statuettes de gypse, que vendaient les petits savoyards dans le village, — des statuettes grandies. Et souvent, avant de s'endormir, elle entendait le ronflement des meules, le tic-tac des trémies mêlés.

Les yeux dilatés, elle regardait, derrière le chalet où on fabrique les fromages, se coucher le soleil, qui lui apparaissait là un vaste fromage rouge. Par les temps sombres, elle allait chercher du soleil dans des morceaux de verre d'un rouge bruni, débris de bouteilles de bière de chez les parents repêchés dans la rivière avec une frayeur intriguée des gours où ils s'engouffrent ; et, non loin de la forge, elle les ajustait à ses petites mains, et dans ce carreau flambé retrouvait son beau soleil en feu.