Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 10, 1933.djvu/106

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
100
LA VICTOIRE

un tir de barrage qui ne paraît pas très intense. Ils n’ont pas encore toute leur artillerie. Nous non plus malheureusement. Mais nous avons la supériorité aérienne. Humbert et Pénelon ne comprennent pas que les Anglais n’aient pas tenu ferme sur la ligne de la Somme et du canal Crozat le 22 et le 23.

Nous revenons déjeuner à Maignelay qui est évacué. Il y reste trois ou quatre vieillards, deux jeunes gens et une malheureuse femme avec deux enfants, réfugiés d’un village envahi. Je leur distribue quelques secours et quelques paroles encourageantes. Nous prenons dans une maison déserte un déjeuner froid. Pendant ce temps, une batterie voisine tire vers Assainvillers.

Nous revenons ensuite sur Saint-Just-en-Chaussée et, de là, sur Beauvais. Les routes sont couvertes de réfugiés : chariots, charrettes, voitures de toutes sortes, chevaux, ânes, vaches, chiens, lapins. Notre mécanicien militaire écrase deux pauvres chiens dans la traversée d’un village.

Nous descendons pour causer avec ces braves gens qui ont un air de résignation et de patience bien touchant et qui n’ont pas une plainte ; mais ils ne savent guère où aller et, à cet égard, les indications données sont bien insuffisantes. Je le dis le soir au préfet de l’Oise.

De Beauvais, nous nous rendons à Amiens. Les troupes anglaises paraissent enfin revenir un peu vers le sud. Amiens, qui était si animé mardi dernier, s’est vidé le lendemain et le surlendemain sur un avis un peu affolé de la municipalité.

Puis quelques milliers d’habitants sont revenus à peu près rassurés, et, semble-t-il, un peu trop tôt.

Notre arrivée est bien vite signalée et bientôt nous sommes rejoints, devant la Préfecture que le