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LA CONFIANCE DE FOCH

ayant été blessé et emmené à Abbeville. Le général Dumas, commandant la région, vient aussi nous saluer avec le commandant du Teil, le député socialiste et des membres de la municipalité qui sont revenus.

Nous nous promenons assez longuement par les rues pour voir les dommages causés par le bombardement aérien, pendant qu’un avion allemand, fortement canonné, survole la ville. Les habitants, les uns curieux, les autres inquiétés de le voir, le regardent, se le montrent et finissent par se disperser. La nuit tombe. Nous revenons à Beauvais et là nous voyons successivement le général Fayolle, le préfet Fabre et le général Foch à la mairie.

Fayolle se plaint amèrement du général Rawlinson qui a succédé à Gough et qui a, lui aussi, l’idée de toujours se retirer. Or, Rawlinson est chargé de défendre le front le plus menacé entre Moreuil et la Somme. On se bat déjà dans Moreuil et les Allemands ont encore progressé dans l’angle, entre l’Avre et la Luce.

Fayolle, du reste, est calme et lucide. Il dit que la crise touche à sa fin et que nos chances sont maintenant de 50 pour 100 et augmentent de 10 pour 100 par journée de combat.

Foch a la même confiance. Il pense que dans cinq ou six jours le front se stabilisera, à moins d’accident. Il dit que Rawlinson obéit autant qu’un Anglais peut obéir. Il me remet devant Lebrun et Favre une nouvelle copie des ordres du 24, qu’il qualifie de stupéfiants. Il se plaint encore, mais plus discrètement, de l’ignorance du président du Conseil qui croit régler toutes les difficultés en allant déjeuner avec lui, Foch, Douglas Haig ou Pétain. En réalité, j’ai l’impression que Foch trouve qu’il a trop constamment