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VOYAGE EN BELGIQUE

tation plus spacieuse que celle de La Panne, mais encore plus nue et plus tristement meublée.

Le roi est venu au-devant de moi jusqu’à la route. Il me conduit à la maison entre deux haies de troupes, aux sons de la Marseillaise. Il m’introduit directement au rez-de-chaussée dans un salon où il n’y a d’autres meubles que quelques sièges et un piano et où la reine m’accueille gracieusement.

J’explique que, dans les circonstances graves que nous traversons, j’ai tenu à venir causer un peu avec le roi. Nous restons seuls, le roi, la reine et moi, pendant une demi-heure.

J’excuse Clemenceau de n’avoir pu m’accompagner. Je demande au roi s’il ne désire pas que je le renseigne sur la manière dont le général Foch vient d’être nommé général en chef des armées franco-britanniques. « Certainement, me répond le roi d’un ton très poli, mais sinon piqué, du moins attristé. Je serais heureux d’être renseigné, car je ne le suis pas du tout. Du reste, je ne le suis pas souvent. » J’excuse alors le gouvernement français en expliquant qu’il y a eu, en réalité, une série d’improvisations amenées par les événements, et je mets le roi au courant des trois étapes franchies par les Anglais depuis quelques jours vers l’unité de commandement. Je présente les choses de façon à faire valoir les avantages de l’unité et à suggérer au roi, sans rien lui demander, l’idée qu’il serait bon de compléter notre œuvre par la subordination de l’armée belge au général Foch. Mais le roi demeure aimablement impassible et fait la sourde oreille.

Comme Foch m’a dit qu’il viendrait à deux heures, j’annonce sa visite au roi et crois sage de ne pas insister davantage pour le moment.

Le roi me conduit dans une chambre préparée pour moi et lorsque je reviens au salon, il y a là