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DELANNEY ENVOYÉ À TOKIO

motivé par cette instruction. « Vous avez raison », me répond-il.

« J’ai offert, ajoute-t-il, Tokio à Delanney et je lui ai nettement expliqué pourquoi. Je lui ai dit que récemment les Allemands ont été sur le point de marcher sur Paris, et que si cela s’était produit, j’aurais été forcé de le remplacer brusquement, ne voulant pas qu’un ami de Caillaux se trouvât à la préfecture en de telles circonstances, exposé aux soupçons populaires. J’ai ajouté : « Le danger est passé, mais il peut reparaître ; il vaut mieux que vous ne restiez pas préfet. Je vous offre l’ambassade de Tokio. » Il a demandé à réfléchir et il a exprimé le désir qu’on le nommât en même temps grand officier, ce qui laisse pressentir une acceptation. Je ne compte pas, du reste, lui donner plus d’un jour ou deux pour sa réponse. Je ne vois guère qu’Autrand pour lui succéder. »

M. de Bettancourt-Rodriguès, nouveau ministre du Portugal, d’un gouvernement non encore reconnu, me fait une visite officieuse. Je l’avais déjà reçu officiellement en avril 1915, quand Chagas avait été une première fois remplacé. Chassés-croisés. Il prétend que les Portugais se sont admirablement battus dans le Nord et que ce sont les Anglais qui ont reculé.

Whitney Warren me dit avec insistance qu’il serait utile d’envoyer un régiment américain en Italie pour y soutenir le moral. Il me fait un grand éloge de d’Annunzio, dont il m’apporte une lettre et une brochure.

Le commandant Challe, officier de liaison, me dit que les Anglais demandent encore à être relevés par nous au sud de la Somme et que toutes nos réserves s’épuisent ainsi peu à peu. Je le prie d’insister auprès de Clemenceau pour qu’il agisse le plus énergiquement possible à Londres.

Clemenceau a eu l’idée singulière de donner