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LA VICTOIRE

de l’avancement à un député, M. Accambray, qui a pris du service. Ayant vu ce nom dans un décret, j’ai fait demander si la proposition avait été faite après examen. « Après examen très attentif, a répondu Mordacq, et dans une pensée d’apaisement. » Nouvelle capitulation par pensée d’apaisement.

À dix heures, Pichon vient me voir seul. « Je vous suis envoyé, me dit-il, par le président du Conseil. Je pense qu’il vous a fait connaître son intention d’envoyer Delanney à Tokio. — Oui, il m’en a parlé. — Delanney accepte avec reconnaissance. La chose est donc entendue. Mais le président veut remplacer Delanney par Autrand et Albert Clemenceau est venu me dire hier qu’il trouvait ce choix mauvais, qu’Autrand n’était pas sûr, qu’il était l’ami de Caillaux et surtout d’André Hesse. — Je connais, dis-je, ces relations. Peut-être ferez-vous bien de mettre Clemenceau en garde. — Que voulez-vous ? Il a confiance en Autrand et il a dû s’engager déjà envers lui. Tous les intéressés sont déjà renseignés. »

Pichon me parle ensuite de la Hollande.

Une heure après, vient Clemenceau : « Je vous ai, me dit-il, envoyé Pichon, parce que je ne savais plus si je vous avais parlé de Delanney. Je n’ai presque plus de mémoire. J’avais cependant dit à Pichon : « J’ai dû en parler au président, parce que je lui parle de tout. » Il continue : « Avez-vous vu un télégramme de l’ambassadeur d’Autriche à Madrid ? — Non. — C’est un déchiffrement très sérieux. Furstenberg télégraphie à Czernin que la démission de celui-ci a eu en Espagne une influence très fâcheuse pour le prestige de l’Autriche, que l’on voit dans cette retraite la preuve que le premier ministre français a remporté sur lui une victoire complète, que dès lors toute défense de la version de Vienne est devenue impossible. Vous