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LA VICTOIRE

ceau. Il a laissé passer dans la presse une lettre de Caillaux qui proteste contre la durée de son instruction ; il continue à penser qu’il vaudrait mieux envoyer l’affaire à la Haute-Cour malgré les répugnances du Sénat, parce qu’en cas de condamnation grave, le Sénat couvrirait plus le gouvernement que le Conseil de guerre.


La Confédération des métaux a voté cet après-midi la reprise du travail à une majorité de quatre-vingts voix contre une douzaine.


Dimanche 19 mai, Pentecôte.

Gérald Nobel, qui vient dîner, me raconte qu’il a vu Clemenceau assez longuement à propos de Tannery. Clemenceau a commencé par le recevoir assez rudement. Nobel ne s’est pas laissé intimider et lui a reproché son parti pris. Clemenceau a alors avoué, avec une sorte d’entêtement sénile, qu’il en voulait à Tannery parce qu’il avait été le collaborateur de Baudin qui l’avait attaqué et aussi à cause de l’affaire Louis Dreyfus, qu’il persiste à croire montée contre lui par Millerand et Tannery. Inutile de chercher à le détromper. Nobel ajoute qu’il a vu sur le bureau de Clemenceau des cartes et des plans travaillés au crayon et couverts de chiffres, comme si le président du Conseil faisait lui-même de la stratégie.


Lundi 20 mai.

Pichon m’informe que lord Derby est venu par ordre de son gouvernement se plaindre de l’accord relatif aux prisonniers. Le cabinet britannique prétend qu’on aurait dû le consulter et que nous avons sur le front des divisions allemandes constituées avec les prisonniers. Je réponds à Pichon que je ne suis pas étonné de cette démarche et que je la trouve très raisonnable. Et une fois de