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INTRIGUES PARLEMENTAIRES

le gouvernement devrait y rester jusqu’à la dernière heure, et qu’il faudrait en évacuer le plus grand nombre d’habitants plutôt que de les abandonner à l’ennemi. »

J’insiste pour que l’idée du départ du gouvernement ne soit retenue que comme le dernier des pis-aller. Je crains que les souvenirs de 1870 ne troublent un peu la vision de Clemenceau et qu’il ne cherche, en cas de désastre, à mourir en beauté. Dubost a peur, lui aussi, que Clemenceau ne se dérobe par un geste personnel en cas de défaite ou de complication grave.

Clemenceau déclare ensuite qu’il a pleine confiance dans le commandement de Foch. Foch avait fait venir les réserves dans le Nord parce que le Nord était menacé. Pétain les a envoyées à regret, aussi lentement que possible. Mais hier, il reconnaissait lui-même que Foch avait eu raison de les réclamer. « Pétain, qui a ses défauts, continue Clemenceau, est mieux au second rang qu’au premier. Il est, du reste, parfait en ce moment à la place qu’il occupe et hier, lui qui est le plus défensif de nos chefs, il a envoyé à Franchet d’Esperey un ordre admirable pour demander qu’on résiste énergiquement et qu’on s’accroche au terrain. Quant à Duchesne, je l’ai vu à l’œuvre. Pétain et Foch lui ont fait passer avant-hier un véritable examen devant moi. Il est impossible d’être plus maître de soi et de mieux connaître la situation de ses troupes. Foch était dans l’admiration. »

Enfin Clemenceau parle de la situation parlementaire et des critiques de Briand qui, décidément, le tracassent. Deschanel est très étonné : « Comment ! dit-il, il y a des gens qui, à l’heure actuelle, ambitionnent le pouvoir ? Mais je n’ai entendu parler de rien ; aucun de ces bruits n’est venu jusqu’à moi.