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LA VICTOIRE

— Si, si, répond Clemenceau, il y a des intrigues. Mais je suis décidé à ne pas remanier mon cabinet. Je ne me défendrai pas. Je n’attaquerai personne. On me gardera si l’on veut. On me renverra, si l’on préfère. »

Deschanel l’engage à faire une apparition dans les couloirs de la Chambre avant mardi. « En ai-je le temps ? riposte Clemenceau. Aujourd’hui je retourne à Versailles ; je puis être appelé par Foch ou par Pétain. » Et il part.

Alors, le brave Dubost se dégonfle. Il déclare qu’il n’a confiance ni en Foch, ni en Pétain. Il dit que, si nous pouvons tenir deux ou trois mois, cela ira bien, mais que les Allemands vont évidemment faire l’impossible pour nous battre dans l’intervalle, que nous pouvons être battus sous Paris et qu’alors on ne pourra continuer la guerre sur la Loire, qu’il est impossible de considérer la continuation de la guerre comme sérieuse dans ces conditions, et devant Deschanel, stupéfait, il conclut qu’en ce cas nous serons pris à la gorge et qu’il n’y aura qu’à signer la paix. Deschanel, de son côté, revient sur la campagne des amis de Briand. Il refuse de rendre celui-ci responsable de ce que peut dire Franklin-Bouillon, de ce que Delaroche-Vernet, mobilisé à l’ambassade d’Italie, a pu suggérer à Bonin. Mais Dubost est beaucoup moins confiant à l’endroit de Briand qui a parlé avec des airs mystérieux de sa visite à l’Élysée, ce qui a permis toutes les suppositions.


De onze heures à une heure, je vais avec Mme Poincaré visiter les victimes du nouveau raid de cette nuit, car nous avons eu une alerte de deux heures et il est tombé des torpilles boulevard Blanqui et rue de Tolbiac. Il n’y a que des blessés, mais les dégâts sont considérables.