Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 10, 1933.djvu/280

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
272
la victoire

qui déjà faiblissait. Il expose le rôle grandissant des commissions. À quoi je réponds que plus grandit leur rôle parlementaire, moins elles peuvent fournir des juges. Loucheur et Lebrun déclarent qu’en effet, une pareille atteinte à la séparation des pouvoirs serait infiniment périlleuse. Rien, du reste, ne convainc Jeanneney ni Clemenceau.


Vendredi 19 juillet.

Nitti, ministre des Finances d’Italie, gros et florissant, me soutient avec art qu’il est le seul successeur possible d’Orlando, qu’il est considéré comme le chef de l’opposition dans le cabinet, mais qu’il n’use de son autorité que pour l’union. Il essaie de me démontrer que l’Italie a mobilisé plus de classes que nous, qu’elle est encore très menacée par l’Autriche et qu’elle supporte les plus grands sacrifices de la guerre.

Le docteur Cantacuzène, professeur à la Faculté de médecine de Bucarest, venu en France avec une équipe de la Croix-Rouge roumaine, a été chargé par cette association et par la reine de nous dire que les Roumains n’avaient pas changé, qu’ils restaient attachés à leurs Alliés des années dernières, mais qu’ils étaient prisonniers des Allemands et même d’un gouvernement choisi et appuyé par l’ennemi. Il me donne des détails navrants sur la servitude imposée à la Roumanie par l’Allemagne : chemins de fer tenus par l’Allemagne, paysans mobilisés au profit de l’Allemagne, importations réservées à l’Allemagne, vivres envoyés en Allemagne, mainmise sur les Universités et les écoles, sur la vie individuelle et économique du pays, indemnités de guerre déguisées, montant à cinq milliards, suppression des grandes écoles pour forcer les Roumains à envoyer leur jeunesse en Allemagne, etc. Le docteur Can-