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conseil des ministres

régime ; il ne faut pas s’en plaindre. La démocratie le veut ainsi. La Chambre est souveraine. Tous les jours, elle peut forcer M. le président de la République à signer des lois qu’il réprouve. Du reste, nous n’éviterons pas une enquête parlementaire sur l’affaire de l’Aisne. Elle est commencée. Elle se poursuit. Alors, le plus simple n’est-il pas de la canaliser, de la faire avec des commissions elles-mêmes ou, du moins, avec leurs présidents ? Soyez sûrs qu’ils se mettront d’accord avec le général Guillaumat et que c’est en définitive l’avis de celui-ci qui prévaudra. » Devant ce débordement, Leygues déclare qu’il n’insiste pas en ce qui concerne l’enquête, mais il demande la parole sur le projet de loi. Alors, je déclare que j’avais fait au président du Conseil les mêmes objections que Leygues et que si je n’insiste pas de nouveau, c’est parce qu’il s’agit d’un projet exceptionnel, provoqué par des événements regrettables, et par bonheur exceptionnels. Puis, je donne la parole à Leygues sur le projet de loi.

Avant même que Leygues ait dit un mot, Clemenceau bat en retraite. Il comprend, dit-il, que les ministres demandent à réfléchir et à étudier les choses de plus près. Il propose que la discussion soit renvoyée à la prochaine séance. Il en est ainsi décidé. Après le Conseil, Clemenceau parti, Loucheur, Klotz, Lebrun, Leygues, Pams entreprennent Ignace et lui démontrent les dangers du projet de loi. Comme Loucheur dit : « Moi, je juge tout cela du dehors, en philosophe, » j’interromps : « Non, non, aucun de nous n’a le droit d’être ici un philosophe. Il ne faut pas adopter le projet, s’il vous paraît, comme à moi, mauvais. — Soyez tranquille, je ne le laisserai pas passer. »

Au milieu de cette discussion, Jeanneney, qui était sorti, revient. Il cherche à soutenir Ignace,