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VISITE AU GÉNÉRAL MANGIN

encombrées de camions français et américains, à Villers-Cotterets.

Là, au quartier général de la 48e D. I. (général Schulert), je remets quelques croix. La 48e est une des divisions qui se sont le mieux comportées dans la 10e armée. Elle a fait plusieurs milliers de prisonniers, capturé un grand nombre de 77 et de 105 qui sont sur la place de Villers-Cotterets. Je vais les voir et là m’attend le général Mangin, que j’embrasse en le félicitant. Mais peu après, il me prend à part, pour se plaindre du général Pétain qui, me dit-il, lui écrit comme aucun chef ne l’a jamais fait, qui le brime, etc. Il assure qu’on ne lui donne pas les troupes dont il a besoin, qu’on ne comprend rien à la guerre et qu’on ne veut jamais l’écouter. J’essaie de le calmer, lorsque Pétain lui-même arrive, ce qui coupe court à la conversation.

De lui-même, Mangin m’explique qu’il n’a pas assez de forces pour en donner de nouvelles, soit à Degoutte, soit à Pétain, et que la pénurie se fera encore sentir jusqu’à la fin de septembre. Il considère, malgré tout, la situation comme très améliorée et il ajoute que, maintenant, il faut pousser la guerre jusqu’au bout et ne se contenter, sous aucun prétexte, d’une paix de transaction.

Je laisse Pétain avec Mangin et je reprends mon train à Villers-Cotterets pour Chantilly. Là m’attend Fayolle, qui me conduit à son poste de commandement, où nous rejoint Pétain. Je remets à Fayolle, devant son état-major, le grand cordon de la Légion d’honneur. Je lui adresse quelques mots de félicitations et je lui exprime le regret de ne lui avoir pas donné cette décoration à Château-Thierry, de peur de le déranger. Puis nous revenons à mon train garé et nous y dînons en gare.

Fayolle et Pétain sont tous deux mécontents du