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LA VICTOIRE

la Chambre qu’aux Anglais. Mais je vous assure qu’à ceux-ci il faut parler net. C’est ainsi que j’ai demandé à Derby de rappeler les deux officiers anglais qui étaient délégués au ministère de la Guerre et qui y jouaient un rôle d’espion. Il a commencé par faire des objections, puis il a cédé en devenant plus aimable que jamais. Il a ajouté : « Eh bien, pourquoi n’allez-vous plus aux armées anglaises ? » J’ai répondu : « Parce que j’ai appris que cela déplaisait à Lloyd George. » Je n’ai pas la prétention de les diriger, pas plus que je ne dirige les armées françaises. Mais les troupes britanniques sont en France ; je trouvais naturel de les visiter pour leur souhaiter la bienvenue et leur demander si elles étaient satisfaites de l’accueil qu’elles reçoivent. Voilà tout. Derby a repris qu’il trouvait très naturel que je fisse ces visites et que certainement je recevrais ce matin une nouvelle invitation de Haig. En effet, il m’est arrivé une invitation très pressante de Haig. Vous voyez que mon procédé n’est pas si mauvais.

— Il n’importe. Il faut ménager l’amour-propre de l’Angleterre et l’amour-propre des Anglais personnellement.

— Oui, oui. Voyons, avais-je autre chose ? Non, je ne vois plus rien.

— Et les propositions de Boucabeille ? où en est-ce ?

— Ah ! j’en ai parlé à Klotz. Il est de votre avis. Il croit qu’on pourrait trouver cinquante millions de marks sur les marchés neutres. Nous faisons venir Allizé pour avoir des renseignements plus précis avant de nous engager. »

Les officiers de liaison m’apprennent que Foch et Pétain étudient une offensive prochaine sur un autre point du front qu’ils ne peuvent encore préciser. On préférerait chercher quelque part un effet de surprise plutôt que d’alimenter en forces