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LA VICTOIRE

allées ; les arbres qui bordaient le promenoir l’ont envahi. Partout des branches et des broussailles. On en a enlevé quelques-unes sous les arbres qu’avaient abattus les obus ; plusieurs jonchent encore le sol. Un gros tilleul argenté que ma femme et moi nous aimions beaucoup, parce qu’il avait autrefois abrité mon père et ma mère, a ses branches déchirées ; le tronc paraît encore intact, mais nous nous approchons et nous voyons une large fente qu’a ouverte un obus. Les épicéas sont morts pour la plupart ; ils ont la tête coupée. La maison s’est presque entièrement effondrée. Les planchers et les plafonds sont éventrés. Une statuette de Bartholomé a heureusement été retrouvée dans sa caisse entr’ouverte. Elle est sauvée. Après une visite rapide, nous partons pour Commercy, où nous nous arrêtons à la mairie. Nous sommes reçus par le Conseil municipal et les notables que je félicite du courage dont ils ont fait preuve sous les bombardements ; et avec Lebrun, le préfet et les sous-préfets, nous partons pour la Woëvre. La route était dangereuse pendant les derniers mois et j’y ai souvent entendu siffler les obus. Mais aujourd’hui elle est tranquille. Seule la plaine est encombrée de convois français et américains.

J’aurais voulu, dès aujourd’hui, aller dans quelques villages du bas des côtes, mais tout est, paraît-il, coupé près de Varnéville par un gros entonnoir et les convois qui se dirigent en ce sens paraissent embouteillés. Avant d’arriver au croisement des routes, près d’Apremont, nous mettons pied à terre. Les soldats français nous reconnaissent, nous saluent et l’un d’eux dit aux Américains : « Vous savez, ce monsieur, vous voyez ! Eh bien ! c’est le Wilson de France. »

Nous renonçons à nous arrêter à Varnéville, qui, du reste, n’est plus habité, et à Woinville