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MA LETTRE À CLEMENCEAU

J’écris immédiatement à Clemenceau :

5 octobre.
Mon cher Président,

Je lis le télégramme de Dutasta, annonçant que l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie et la Turquie demandent un armistice en vue de négocier la paix sur la base des propositions du président Wilson. L’hypothèse que nous envisagions tout à l’heure se présenterait donc plus tôt même que nous ne le pensions.

Il est impossible de discuter la possibilité d’un armistice tant que l’ennemi occupera une partie quelconque de notre territoire ou celui de la Belgique. Nous devrons même, à mon avis, le jour venu, exiger avant tout armistice, que les troupes allemandes évacuent l’Alsace-Lorraine. Je crois qu’en posant ces conditions préalables, qui sont d’ordre militaire et que le commandement interallié envisagerait certainement comme indispensables, on faciliterait l’échec de la manœuvre ennemie.

R. Poincaré.



Lundi 7 octobre

Clemenceau et Pichon viennent le matin. « Je suis très mécontent de Foch, me dit Clemenceau. D’abord, il continue à ne pas donner d’ordres aux Américains et j’entends qu’il leur en donne. En second lieu, il m’a joué un tour abominable. Je l’avais laissé partir avant moi pour Versailles, de façon qu’il y pût causer avec Lloyd George. Mais il m’a trahi : lorsque je suis arrivé, il avait complètement adopté la thèse de Lloyd George sur l’idée d’une opération contre Constantinople. Pour ce qui est de la constitution des troupes, il disait que cela ne le regardait pas. Je ne lui par-