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LA VICTOIRE

donnerai donnerai jamais cela. Je vivrai avec lui jusqu’à la fin de la guerre, puisqu’il le faut, mais je ne l’oublierai pas.

« Voilà pour Foch. Quant à Lloyd George et à Orlando, nous avons causé jusqu’ici sans grand résultat. Nous avons examiné ensemble un projet d’armistice avec la Turquie. On a dû vous l’envoyer.

— Non, je n’ai rien reçu.

— Vous n’avez rien reçu ?

— Non.

— Eh ! bien, vous le recevrez. Il a été étudié d’accord avec le ministère de la Marine. Il contient, je crois, toutes les garanties désirables. Vous verrez si vous avez quelque chose à y ajouter. Mais je ne crois pas. Quant à l’Allemagne, s’il arrive qu’elle fasse des propositions, je suis d’avis qu’il ne faudra pas les repousser purement et simplement. Il faut être prudent et modéré. Mais le jour venu, soyez tranquille, je ne me contenterai pas de l’Alsace de 1870 ; je réclamerai celle de 1792 et de 1814. (Belles promesse que Clemenceau a refusé de tenir, lorsque je les lui ai rappelées quelques semaines plus tard). Mais, continue-t-il, pour l’armistice, c’est autre chose. Il ne faut pas être exigeant.

— Il ne faudrait cependant pas, répliquai-je, donner des garanties à tout le monde, sauf à nous. Il serait dangereux de permettre aux Allemands de raccourcir leur front et de constituer une armée de réserve. »

Clemenceau va jusqu’à me dire : « Nos troupes sont fatiguées. J’ai envoyé hier Mordacq aux armées et Gouraud le lui a dit. — Comment ? répliquai-je, je suis allé moi-même à l’armée Gouraud et tout le monde, à commencer par lui, m’a déclaré que notre supériorité sur l’ennemi se fortifiait tous les jours. »