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DÉMISSION DE CLEMENCEAU

Abasourdi par le langage de Clemenceau, je me demande si ce n’est pas Briand que j’ai auprès de moi. Si non, n’est-ce pas un vieillard inquiet de son âge et pressé d’en finir ?

Il s’en va et plaisante : « Rassurez-vous ; la guerre va se terminer. Nous passerons ensemble sous l’Arc de triomphe et auparavant, nous libérerons Caillaux pour qu’il nous suive. » Et, en sortant, il répète cette plaisanterie à Sainsère.

Leygues vient me parler de nouveau de la Syrie et des dispositions peu amicales de l’Angleterre et de l’Italie. Il est entièrement de mon avis en ce qui concerne l’éventualité d’un armistice vec l’Allemagne. « On va, me dit-il, couper les jarrets à nos troupes ».

Cette expression rend si bien ma propre pensée que je la reprends dans une lettre que j’adresse à Clemenceau pour combattre encore l’idée d’un armistice. Je lui écris en effet pour le mettre en garde.

Mardi 8 octobre.

Clemenceau entre en fureur et me répond par la lettre que voici :

« Monsieur le Président,

« Je n’admets pas qu’après trois ans de gouvernement personnel, qui a si bien réussi, vous vous permettiez de me conseiller de ne pas « couper les jarrets à nos soldats »

« Si vous ne retirez pas votre lettre écrite pour l’histoire que vous voulez vous faire, j’ai l’honneur de vous envoyer ma démission.

« Respectueusement,

Clemenceau.

Je réponds au président du Conseil :