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LA VICTOIRE

aboutirait à des conséquences que l’intérêt de la patrie nous commande d’éviter.

« Quoi qu’il arrive, vous pouvez être assuré que je ne demande qu’à oublier ce très fâcheux incident et que je ne manquerai en aucun cas aux devoirs de loyauté que j’ai envers vous.

« Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’assurance de mes sentiments respectueux.

« J’ai été très touché de la sympathie que vous m’avez manifestée à raison du deuil qui vient de me frapper. Je serai l’interprète de vos sentiments auprès de ma fille. Je suis convaincu qu’elle y sera aussi sensible que moi.

Clemenceau.

Sur ces entrefaites, il devait y avoir Conseil des ministres. Clemenceau a prévenu ses collègues et la séance n’a pas eu lieu. Pichon était venu m’avertir et il a dû invoquer je ne sais quel prétexte pour congédier ses collègues. J’ai voulu le mettre au courant de mon différend avec Clemenceau et lui dire ma façon de penser. Mais levant les bras au ciel, il m’a supplié de ne pas le mêler à cette affaire.

J’ai prié Leygues, qui s’était trouvé d’accord avec moi dès hier sur la question d’un armistice, de venir causer avec moi avant de quitter la salle du Conseil. Je l’ai mis au courant. Il a déclaré que Clemenceau était aveuglé d’orgueil et que les relations devenaient impossibles avec lui.

Leygues a ajouté que le président du Conseil s’était décidé à renvoyer la question pour examen au Comité de Versailles : ce que ni Clemenceau, ni Pichon ne m’avaient indiqué et ce qui pourrait arranger les choses ; au fond, ce serait l’essentiel.