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LA VICTOIRE

m’attend mon train pour Paris. Retour à l’Élysée le mardi matin 23.

Mardi 23 octobre.

J’écris à Clemenceau : « J’ai à m’excuser vis-à-vis de vous d’avoir été forcé, hier à Lille, de vous engager en votre absence, Pams et vous. Mais les présidents des Chambres, MM. Loucheur et Lebrun, qui m’accompagnaient, ont constaté comme moi, que c’eût été, pour la population tout entière, une déception profonde, si après votre voyage et le mien, je partais sans laisser la Légion d’honneur au maire. Le préfet a été du même avis et a ôté sa propre croix pour que je la remisse à M. Delesalle. J’ai pensé que vous ne désavoueriez pas ce geste nécessaire, auquel les anciens adversaires du maire ont applaudi autant que ses amis. Recevez, monsieur le président, l’assurance de mes sentiments dévoués. — Signé : Poincaré. »

Je prie Pams de venir et je m’excuse également auprès de lui. Il me répond qu’il trouve la chose toute naturelle, mais il redoute Clemenceau. En effet, lorsque j’arrive au Conseil, je dis à Clemenceau : « Vous avez reçu ma lettre ? » Je m’excuse à nouveau ; mais il était impossible de faire autrement. Il paraît cependant assez mécontent mais finit par me dire : « N’en parlons plus. »

Mercredi 24 octobre.

Je suis parti hier soir de Paris avec Lebrun et les sénateurs et députés de l’Aisne. Ce matin, par Coucy-le-Château, puis par les villages de Pinon et de Chavignon, sur une route coupée d’entonnoirs, semée de munitions allemandes, nous avons gagné Laon. Toutes les rues étaient pavoisées de drapeaux que les habitants avaient cachés pendant l’occupation. Lorsque les autos se sont arrêtées sur la place de l’Hôtel-de-Ville, cette place