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L’ARMISTICE AVEC LA TURQUIE

m’a opposé que, sur terre, l’armée britannique combattait sous notre commandement et que cependant aucun armistice n’y serait signé par les Anglais, que pourtant la Grande-Bretagne a suffisamment contribué à la victoire. Je comptais sur la modération et la droiture de Balfour. Ni l’un, ni l’autre ne connaissait, semble-t-il, nos accords sur le commandement en Méditerranée. Ils m’ont dit, du reste : « À l’heure présente, l’armistice doit être signé. » J’ai donc dû céder.

— C’est bien fâcheux, répliqué-je ; nous sommes en face d’une intrigue destinée à détruire notre prestige en Orient.

— Oui, reprend Clemenceau. J’ai été très vif, je vous l’assure.

— Alors, dis-je, nous allons avoir l’armistice avec la Turquie ? Il sera surtout au profit des Anglais ! Tâchons du moins maintenant que l’armistice avec l’Autriche, s’il peut avoir lieu, soit au profit commun et nous permette d’abattre l’Allemagne. Il faut tenir bon sur la question de l’utilisation du matériel de chemin de fer pour le transport des troupes.

— Oui, accentue Pichon.

— Oui, répète Clemenceau, cela est dans le travail de Guillaumat ; ce n’est pas dans le mien. Mais il ne me suffit pas seulement du passage pour l’armée d’Orient, il faut le passage par le Tyrol.

— Oui, oui.

— Et l’Italie, demandé-je, quelles ont été ses exigences ?

— Elle a réclamé l’évacuation du Trentin, de l’Istrie et de tout ce qui lui est assuré par les conventions de 1915.

— Conventions qu’elle n’a pas exécutées et qui, du reste, concernent la paix et non l’armistice. Mais s’agit-il d’évacuation ou d’occupation ?

— D’évacuation seulement, dit Clemenceau.