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LA VICTOIRE

Chambre, où il doit lire l’armistice autrichien et prononcer un discours, Clemenceau a supprimé le Conseil de ce matin.

J’ai fait demander par William Martin si le procès-verbal convenu de la conférence interalliée d’il y a quinze jours avait été rédigé. Berthelot dit qu’on avait communiqué la rédaction française à l’Angleterre qui n’avait rien répondu.

J’ai fait venir Pams pour lui demander comment la décoration de M. Delesalle, maire de Lille, n’était pas encore régularisée. Il s’est excusé et m’a dit que le préfet n’avait pas encore envoyé la notice nécessaire. Il affirme que Clemenceau est étranger au retard.

Pams est préoccupé de ce que seront la paix et le lendemain de la paix. « Le monde va, dit-il, à l’inconnu ; nous sommes en pleine obscurité. »

Mercredi 6 novembre.

La Chambre a fait hier à Clemenceau, malgré le désordre de son discours, une ovation indescriptible. La presse le porte aux nues ce matin. Pour tout le monde, il est le libérateur du territoire, l’organisateur de la victoire. Seul, il personnifie la France. Foch a disparu ; l’armée a disparu. Quant à moi, bien entendu, je n’existe pas. Les quatre années de guerre pendant lesquelles j’ai présidé l’État et que Clemenceau a consacrées à une opposition sans merci contre les gouvernements successifs, sont totalement oubliées.

Ce matin, Conseil des ministres. Clemenceau commence par une charge violente contre les Italiens. Il leur reproche en termes très durs d’être entrés à Pola malgré l’armistice et d’avoir mis la main sur la flotte yougoslave. Il a demandé à Pichon de préparer un télégramme à ce sujet. Je fais remarquer que les Italiens ont fait quelque chose de plus grave en occupant Fiume qui ne