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LES ACCORDS DE 1915

leur a même pas été reconnu par les accords de 1915. Alors Clemenceau avoue cette chose stupéfiante qu’il ignorait que Fiume fût exclue de la zone italienne par les accords de 1915. Clemenceau explique ensuite très obscurément que les Yougoslaves ont demandé leur reconnaissance en tant qu’État et qu’on a ajourné la réponse. Il laisse à Pichon le soin de préciser.

Clemenceau se plaint encore de Foch et de Weygand et il cherche à les diminuer tous deux dans l’esprit des ministres présents. Singulière réponse à Lloyd George qui a annoncé hier, à la Chambre des Communes, que Foch avait été chargé du commandement sur tous les fronts. Ni Clemenceau ni Pichon ne m’avaient encore fait connaître cette décision.

Le reste de la séance est consacré au vote des crédits spéciaux pour la Syrie, à l’examen des projets de Claveille sur les chemins de fer et au transport des vins d’Algérie.

Au déjeuner, où je reçois le prince japonais Yourihito, je demande à Pichon comment Clemenceau, à qui j’avais plusieurs fois conseillé de lire les accords de 1915, pouvait ignorer le sort assigné à Fiume. Pichon me répond qu’il avait lui-même expliqué à Clemenceau l’économie de ces conventions, et que Clemenceau les avait oubliées, « Les Yougoslaves, ajoute Pichon, ne sont pas encore tout à fait d’accord entre eux. Ils finiront par s’entendre en éliminant Pachitch et en reconnaissant comme roi le prince Alexandre de Serbie. Mais, d’après les renseignements que donnaient leurs délégués, ce n’est pas encore fait. Nous avons donc répondu que nous ne pouvions les reconnaître que lorsqu’ils seraient d’accord. Mais Clemenceau a reçu la visite d’Orlando qui est venu pleurer dans son sein et alors, « en dehors de moi, » dit Pichon, Clemenceau a promis qu’on ne